jeudi 3 mars 2016

"2084" de Boualem Sansal (2015)




En Bref :

Imaginez un monde sans âme. Un monde sans vie.  Un monde sans humanité.
Un monde où la pensée est proscrite, où la liberté est une déviance, une folie.
Un monde pourtant peuplé d'humains, d'hommes sans grand H.


C'est dans cette relique de société qu'un jour Ati se réveille.
Lui qui est pourtant né sous le règne d'Abi, prophète et maître absolu de l'Abistan, par la grâce de Yola Dieu unique.
Lui qui est pourtant, comme les autres, aliéné par le Gkabul, la Religion; par la force de l'Abilang, langue sacrée, seule langue autorisée.
Lui qui sait, sans vraiment savoir comment, qu'avant 2084 il n'y avait rien, qu'après il n'y aurait rien, que l'Abistan et la loi d'Abi sont les seules vérités sur Terre.
Lui. Il se met à douter.

Mon avis :  

Le livre est court, l'écriture un peu prétentieuse.

Le thème est délicat, car même si l’avertissement en début de livre nous indique qu'il ne s'agit que d'un récit imaginaire, il est bien évident à mon sens qu'on se projette ici dans un monde régit par une dictature religieuse, installée après de nombreuses guerres saintes et condamnant cruellement tout ce et ceux qui ne s'accorderaient pas à dire qu'ils détiennent la seule et unique vérité... Une projection de Daesh somme toute.

L'aspect de la manipulation de foule est intéressant : terreur, torture, décapitation, lois risibles, travail de forcené, police secrète, répression, bourrage de crâne, endoctrinement, ennemi savamment sous contrôle, le tout sous l'autorité d'une confrérie toute puissante.

Dans ce paysage, comment ne pas imaginer une âme marginale qui se rendra forcément compte que quelque chose ne tourne pas rond ?  Cependant l'auteur, pour moi, n'investit pas vraiment le héros et le promène un peu comme une marionnette à travers des décors en bois.  Il observe, constate, réfléchit mais ne vit.   Cette réalité décrite ne deviendra jamais la nôtre, c'est un peu comme regarder un reportage animalier sur TVsavane... On constate mais on ne ressent rien.

Dommage.  Car cet aspect des choses pourrait (et devrait) forcément mener à une réflexion philosophique qu'il serait bon d'aborder, en cette époque un peu obscure il faut l'avouer, avec des adolescents.  Mais malheureusement je doute qu'ils aient la patience de finir ce livre.




Extraits :

"En étudiant un peu le Gkabul pour corriger la marche et se rééduquer, il perdit et l’espoir et l’espérance, le Gkabul n’était pas pour éveiller le malheureux, il était un lest pour le couler par le fond, et l’école n’y était pour rien, la pauvre dame enseignait ce qu’on lui donnait à enseigner et elle le faisait plutôt bien, rares étaient les survivants. Il était trop tard, le Gkabul avait diffusé son hypnose dans le corps et l’âme profonde du peuple et régnait sur lui en maître absolu. Combien de siècles faudrait-il pour le désenvoûter était la seule vraie bonne question."

" Si d'aucuns avaient pensé qu'avec le temps et le mûrissement des civilisations les langues s'allongeraient, gagneraient en signification et en syllabes, voilà tout le contraire : elles avaient raccourci, rapetissé, s'étaient réduites à des collections d'onomatopées et d'exclamations, au demeurant peu fournies, qui sonnaient comme cris et râles primitifs, ce qui ne permettait aucunement de développer des pensées complexes et d'accéder par ce chemin à des univers supérieurs. À la fin des fins régnera le silence et il pèsera lourd, il portera tout le poids des choses disparues depuis le début du monde et celui encore plus lourd des choses qui n'auront pas vu le jour faute de mots sensés pour les nommer."

" Les temps avaient changé, selon la Promesse primordiale, un autre monde était né, dans une terre purifiée, consacrée à la vérité, sous le regard de Dieu et d'Abi, il fallait tout renommer, tout réécrire, de sorte que la vie nouvelle ne soit d'aucune manière entachée par l'Histoire passée désormais caduque, effacée comme n'ayant jamais existé."




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