lundi 21 août 2017

"Continuer" de Laurent Mauvignier

En Bref :

Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux.

Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu’à aujourd’hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter.

Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu’elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver, peut-être, le fil de sa propre histoire.


Mon avis :

Notre vie, notre histoire, c'est le roman que l'on choisit d'écrire à chaque jour qui passe.
Au fil des pages que l'on remplit, on peut subir, fuir, crier, pleurer, se dire que oui, la vie est moche, mais c'est ainsi.  Après des années de résignation, un divorce difficile et un adolescent qui tourne mal, Sibylle se réveille.  Sibylle nous réveille.

Subir la vie comme un fardeau, c'est un choix ou un combat auquel on n'ose parfois pas se confronter.  Mais quand elle réalise que son fils se perd, lui aussi, que celui qu'elle aime de tout son être part à la dérive, alors Sibylle décide de se battre.  Pour lui.

Mais comment s'en sortir face à un ado qui refuse le dialogue, un ado empli de haine, de colère envers tout ? Qui le comprend, lui ? Car le monde est débile, sa mère trop stupide, rien qu'à la voir, il a envie de tout casser....  Quand la force du désespoir pèse sur nous comme une enclume, quand on a l'impression que tout nous échappe, une seule option : continuer.

Cette histoire m'a bouleversé. Parce que la force de cette mère, écrasée par le poids de son existence, se réveille et soulève des montagnes pour sauver son fils.  Parce que le langage, les idées, l'expression de cet adolescent sont tellement criants de vérité, bruts, secs, vivant puissamment dans le fond de son cœur.  Parce que la détresse de cette mère est tellement palpable, tellement présente dans chaque mot, dans chaque action que l'on voudrait lui crier, Allez !, Continue !

Une histoire d'amour qui n'a nul égal entre une mère et son enfant. J'ai refermé ce roman très émue.  Parce que je suis une mère ? Une femme ? Parce que je côtoie des ados ?  Je pense simplement qu'il porte en lui la force de la simplicité, la force des mots.

Extraits:

"Sa mère se faisait des illusions si elle pensait qu'elle pourrait changer quelque chose en lui, de lui, si elle croyait qu'il lui suffirait de prendre quelques semaines de grand air, accompagné de chevaux et de montagnes, de silence et de lacs, pour que soudain tout dans sa vie se déplie et devienne simple et clair, pacifié, lumineux, pour qu'il cesse enfin de se sentir écrasé à l'intérieur de lui-même, comme si on allait arrêter un jour d'appuyer sur son cœur, sur son âme, sur sa vie, comme si l'étau pouvait un jour se desserrer."
***

"Alors à ce moment-là, il est au bord de reconnaître qu'il en est bouleversé,
il pourrait, oui,
s'il n'avait pas si peur d'avouer qu'il aime sa mère,
s'il n'était pas effrayé à l'idée de l'aimer–
lui qui sait si bien qu'aimer et accepter est plus difficile que haïr et rejeter."

***

"Il pouvait arrêter de geindre et se mettre à agir, c'est tout ce qu'elle voulait, tout ce qu'elle attendait de lui, tout ce qui avait motivé ce voyage, qu'il réagisse, qu'il reprenne contact avec la vie. Alors, il en avait l'occasion, il lui suffisait de prendre la carte, de tracer un chemin à travers le pays, de proposer des routes, de choisir des itinéraires, et c'est pourquoi elle pensait qu'elle n'avait pas à s'excuser, pourquoi elle voulait qu'il comprenne que ce qui venait de se passer, si elle en était en partie responsable, il ne l'était pas moins, lui, à cause de sa passivité, et qu'on est aussi responsable de se laisser entraîner dans une impasse que de s'y embarquer soi même."




samedi 12 août 2017

"Maudit Karma" de David Safier


En bref :

Kim Lange choisit d'aller recevoir son prix de meilleure présentatrice télé le jour de l'anniversaire de sa fille Lilly qu'elle fêtera avec elle le lendemain...

Mais elle meurt le soir même. Dans l'au-delà, elle apprend qu'elle a trop mal agi dans sa vie et est réincarnée en fourmi.

Mon avis :

Vraiment... L'idée peut être sympa, la réincarnation, même si c'est un peu facile. Mais soit.
Le problème ici c'est que c'est... Vide. Rien. Rien qu'on ne devine, rien de marrant, rien de passionnant.... Juste... Embêtant.

Kim, être abjecte et égoïste, meure et se réincarne en fourmi.  La vie de fourmi est décrite de façon bien trop creuse et décevante. La fourmi meure, se réincarne etc etc... A chaque fois, Kim ne pense qu'à voir sa fille. Ça lasse, voyant le style, on sait déjà comment ça finira.  Parfois ce n'est pas un soucis, le chemin menant au dénouement portant lui-même toute l'histoire.  Ici ...hum... Comment dire.. Même les animaux sélectionnés sont tous sauf originaux. Le descriptif de leur quotidien baignant dans le conventionnalisme, aucune recherche, aucune originalité.

Alors oui, il semblerait que je ne sois pas réceptive à l’humour potache, aux taches littéraires destinées à "passer un été trop marrant sur la plage avec mon super bouquin anti dépresseur" mais pitié... Il y a 1000 fois mieux, comme les romans de Gilles Legardinier ("Demain, j’arrête") qui lui, fait franchement rire et est bien plus subtil et travaillé .... Cependant si vous avez aimé "Le fakir Ikéa", il est possible que vous soyez en train de vous dire que je n'ai aucun humour. (Si vous avez aimé ce roman, lisez donc le Fakir Ikéa, ça vous plaira)

...J'ajouterai une fin écœurante de niaiserie. J'assume.


Extraits :


"Où veux-tu en venir ? m'interrompit Bouddha.
J'essayai de raccrocher les wagons :
- Si... si tu es Bouddha, et si je suis réincarnée... alors, pourquoi en fourmi ?
- Parce que tu n'as pas mérité autre chose.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? Que je n'étais pas quelqu'un de bien ? dis-je avec colère.
Je n'avais jamais pu supporter les humiliations.
Bouddha se contenta de me regarder, sans cesser de sourire.
- Les dictateurs ne sont pas des gens biens ! Protestai-je. Les politiciens non plus, ni, à mon avis, les programmateurs de télévision, mais sûrement pas moi !
- C'est pourquoi les dictateurs se réincarnent en autre chose, répliqua Bouddha.
- En quoi ?
- En bactéries intestinales."
***
 "Je n'avais jamais imaginé la mort comme cela. Plus exactement, je n'avais jamais imaginé la mort. J'étais bien trop occupée par ma vie frénétique. Par toutes sortes de choses sans importance (exemple : ma déclaration de revenus), importantes (exemple : ma carrière) ou essentielles (exemple : les massages relaxants)."

***
" Un touriste m'avait jeté son portable à la tête parce que j'essayais de lui faucher ses chips au paprika. Ce qui prouve deux choses : d'abord, les hommes ne trouvent les écureuils mignons que tant qu'ils ne les énervent pas. Ensuite, il existe des gens incapables de se détendre, même en congé."

"Lontano" de Jean-Christophe Grangé


En bref:

Le père est le premier flic de France. Éminence grise du pouvoir, Grégoire Morvan a connu ses heures de gloire en Afrique dans les années 80, en arrêtant au Congo « l'Homme clou », tueur en série au rituel atroce, inspiré des plus violents fétiches africains.
Le fils aîné bosse à la Crime. C'est le meilleur.
Le cadet règne sur les marchés financiers.
La petite soeur tapine dans les palaces.

Chez les Morvan, la haine fait office de ciment familial. Pourtant, quarante ans plus tard, en France, les cadavres mutilés, criblés de ferraille et de tessons s'accumulent : la marque de « l'Homme clou », le tueur mythique des années 70, ressurgit des limbes africaines.

Le clan doit se tenir les coudes. Sur fond d’intrigues financières, de trafics miniers, de magie yombé et de barbouzeries sinistres, les Morvan vont affronter un assassin hors norme, qui défie les lois du temps et de l’espace. Ils vont surtout faire face à bien pire : leurs propres démons.




Mon avis :

Je vous avoue, honte à moi, n'avoir auparavant jamais "lu" un roman de Grangé.  Après celui-ci, c'est plus que probable que j'en lirai d'autre.

Ce pavé de 800 pages (150 chapitres... Hé oui, il vous faudra du courage.  Ne vous laissez pas influencer par l'épaisseur, ce serait dommage) fût englouti comme jamais.  Captivant dès le début, il ne vous laisse pas une minute de répit.  Congo, Coltan (minerai de couleur noire ou brun-rouge dont on extrait le niobium et le tantale. Il sert dans la fabrication d'appareils électroniques grâce notamment à sa qualité anticorrosive. Le Kivu au Congo contient presque 80% des réserves mondiales), drogue, bizutage dans l'armée, magie africaine et manipulations génétiques, meurtres sanglants et enquête policière... Rien que ça !

Dans le tome 2, "Congo Requiem", il nous permet de nous plonger au cœur du trafic d'armes, de découvrir l’Afrique profonde, nous apprend ce qu'est le Coltan et les conditions de "sur-vie" au cœur de la jungle mortelle des trafiquants.  On se noie dans la noirceur du passé de Morvan père, nous découvrons davantage les racines de cet amour-haine familial...
 

Bref.  On voyage, on tremble, on trépigne... Il n'y a pas à dire, c'est un EXCELLENT polar. Grangé confirmera sans doute sa maîtrise de l'art du thriller pour les connaisseurs qui le suivent.  Quand à moi, je me lancerais certainement dans son précédent opus, Kaïken, car forcément, ça ne peut être que du bon...



Extraits :

"Toute la soirée, elle avait ruminé sa honte de la veille. La partouze bidon, la cérémonie ridicule, les notables dépravés... Ce qui la tuait, c'était le regard de son frère. Il était à la fois la personne qu'elle aimait et haïssait le plus.
Pour les mêmes raisons.
Erwan, le héros, l'irréprochable.
Son père était un monstre, Maggie une cinglée, Loïc une épave. Au moins, avec eux, les choses étaient claires. Mais l'aîné... Elle réfléchit encore et parvint à ordonner les éléments d'une autre façon - cinq ans de philo, ça aide. Elle voulait humilier sa famille, piétiner leurs valeurs hypocrites. L'arrivée du frangin avait donc été une bonne chose : que vaut le blasphème si le croyant n'est pas là pour l'entendre ?"
 ***
"Contrairement à ce qu'on pense, personne n'est au-dessus des lois en Afrique, parce qu'il s'agit des lois de la nature. L'atmosphère y est plus seine qu'aux Etats-Unis par exemple, où l'homme se croit souverain.
Puis Katrina passe et tout le monde est remis à sa place.
En Afrique, Katrina, c'est tous les matins: alors, pas question de se prendre pour le pape..."
 ***
 "Le clou de la collection était une série de statuettes percées de pointes de métal, de tessons de bouteille, couvertes de chaînes, de fibres, de plumes souillées de sang: des mikondi provenant du Mayombé, dans le Bas-Congo. Ces effigies étaient des armes contre les sorciers et leurs envoûtements. Morvan en avait souvent expliqué le principe à son fils: le nganga, le guérisseur, les activait en y plantant un clou ou un morceau de verre."

"Les Coloriés" de Alexandre Jardin (2004)

En bref :

Est-il possible de vivre sans adultes ? De dire non a l'univers raisonnable et sérieux des grandes personnes ? À des milliers de kilomètres de la France vit un peuple qu'aucune carte n'a jamais répertorié : les Coloriés. Turbulents, sincères et gobeurs d'instants, ils vivent dans un univers sans adultes où l'enfance et le jeu sont devenus une culture à part entière. En 2003, Hippolyte, ethnologue, rencontre à Paris Dafna, une jeune et ravissante représentante du peuple colorié. 
Imprévisible, gouvernée par ses émotions et ses désirs fantasques, cette «grande petite fille» le bouleverse immédiatement. Mais les Coloriés ne sont pas oiseaux que l'on apprivoise facilement. Et voilà Hippolyte embarqué dans une course-poursuite imprévue qui l'entraînera bien loin de chez lui.

Mon avis : 

La trame est novatrice et fort bien inspirée.  L'idée d'un monde sans règles, où chaque désir se vit sur le moment, où chaque sentiment est exprimé sans retenue, qui n'en a jamais rêvé ? La vision de notre monde par les coloriés fait réfléchir. Leur mode de vie, bien qu'imparfait évidemment, et surtout complétement utopiste, est très intéressant.  Voir ... inspirant.

Cependant la première partie du roman m'a semblé terriblement longue, redondante... Une fois que l'on saisi l'idée, les longueurs semblent inutiles. L'Auteur accapare parfois le personnage d'un coté naïf servant à des fins moralisatrices inutiles.  Il m'a fallu attendre une bonne moitié de l'histoire pour enfin voir les choses avancer. La deuxième partie est  beaucoup plus captivante. 

Néanmoins, la démarche vaut la peine d'être lue, car "sérieusement", un peu de coloriage, d'aventure et d'authenticité dans nos vies d'adultes nous feraient le plus grand bien...



Extraits : 

"En pays adulte, l'indécence est d'être authentique"


***

"La plupart des grandes personnes ignorent que l'incroyable est une option et que seules les histoires qui n'auraient jamais du arriver valent le coup d'être vécues"

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 " Pile on se marie rapidos, face on s'achète des glaces à la pistache !"

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" L'âge nous déprave en adultes, en maris domestiqués, en contribuables obéissants, en débiteurs sans humours, en même temps qu'il émousse nos plus délicieux travers."




dimanche 23 avril 2017

"Calendar Girl : Janvier" de Audrey Carlan


En Bref :

Mia vit seule avec son père et sa petite sœur à Las Vegas. Elle veut devenir comédienne. Depuis le départ de sa mère, son père boit et joue. Il emprunte 1 million de $ qu'il perd et ne peut rembourser. Le prêteur sur gages l'expédie dans le coma. Mia doit assumer la dette de son père sans quoi sa petite sœur et elle-même subiront le même sort.

Elle deviendra donc, malgré elle, une "Escort Gril".  Un contrat mensuel qui pourrait lui rapporter jusque 100 000 $. Sous certaines conditions...



Mon avis :

La collection "Harlequin" existe encore.  Mais aujourd'hui, nous avons également à disposition pléthore de romans érotiques.  Symbole d'une littérature féminine libérée depuis le phénomène "50 nuances" ou simplement vente désormais décomplexée de ce qui existait déjà bien avant, peu importe.  La formule reste identique.

Prenez donc une nana désespérément prude et livrez-la - de façon volontaire mais forcément de mauvais gré , évidemment- à un (ou des..) bellâtre, millionnaire de préférence.  Peu importe le prétexte, arrivera ce que chaque lectrice attendra avec impatience.  La belle se découvrira des pulsions sexuelles innassouvies et tombera même, bien souvent, éperdument amoureuse de cet Appolon, riche et bête de sexe... Amour torride mais impossible.  Le tout est donc de savoir comment tout cela sera mit en scène.

Rien de neuf sous le soleil, pas moins bon ni meilleur que tous les autres.  Un style ultra basique, une histoire peu originale issue d'un cliché du fantasme... On le lit en 1h ou 2.   La nouveauté résidant ici dans le fait qu'on nous propose un livre pour chaque mois.  Une nouvelle ville, un nouvel homme, une nouvelle aventure pour Mia.

Pas sure de tenir sur la durée.  Mais allez-y si vous aimez ce genre de littérature.  Il n'y a pas à dire, pour celle qui cherche un bouquin vite lu, pas trop compliqué pour faire un break dans son quotidien en mal d'imagination....  Ça fonctionne.  Il est - ou du moins a été- quand même en tête des ventes... Ce serait mentir que de dire qu'aucune de nous n'en n'a jamais lu 😉.  Je vais peut-être bien lire Février, quand même... (Juste pour vous dire s'il est mieux, évidemment... 😜).


Extraits (pas classés X)

"Il me tourne le dos pour fouiller dans sa jeep et en sort un t-shirt blanc. Il l'enfile, recouvrant son corps splendide, et je suis à deux doigts de le remercier, car la Barbie en moi disparaît pour laisser mon cerveau reprendre sa place."
 ***
  Wes est assis dans son lit et ne dit rien. Les flammes de la cheminée dansent sur son torse nu, vacillant sur les collines et les vallées de son abdomen musclé. Ses pecs divins me font saliver. Bon sang, ce type est une œuvre d'art.
***
 " – ...Ces hommes peuvent te promettre la lune, ça ne veut pas dire qu’ils la décrocheront pour toi. Crois-moi, j’ai déjà entendu ça. Trop de fois, d’ailleurs.
– Alors, il n’y a rien qui l’interdit ?
– Non, mais… protège ton cœur, ma poupée. Ce métier n’est pas pour tout le monde et tu as déjà beaucoup souffert pour quelqu’un de si jeune. Prends le temps de t’amuser, de te détendre, et goûte à tout ce que la vie peut t’offrir."




mardi 18 avril 2017

"Quand souffle le vent du nord" de Daniel Glattauer


En Bref :



En voulant résilier un abonnement, Emma Rothner se trompe d’adresse et envoie un mail à un inconnu, un certain Leo Leike. Ce dernier, poliment, lui signale son erreur; Emma s’excuse, et, peu à peu, un dialogue s’engage entre eux, par mail uniquement.

Au fil du temps, leur relation se tisse, s’étoffe, et ces deux inconnus vont se mettre à éprouver l’un pour l’autre une certaine fascination. Alors même qu’ils décident de ne rien révéler de leurs vies respectives, ils cherchent à deviner les secrets de l’autre…

De plus en plus attirés et dépendants, Emmi et Leo repoussent néanmoins le moment fatidique de la rencontre.  Emmi est mariée, et Leo se remet à grand peine d’un chagrin d’amour...

Mon avis:

Encore une jolie surprise !  J'ai commencé ce roman sans rien en connaître et me suis retrouvée plongée dans cette relation épistolaire comme si j’attendais, moi aussi, impatiemment, le prochain mail.

Ça commence de façon tellement légère, douce et amusante que dès les premières correspondances, on est accro.  Ça gonfle, ça prend de l’ampleur, ça s'envole.  Quoi ?  Quel nom donner à cela ? Le rêve, l'imaginaire, l'amour, la séduction ? Moi qui me posait souvent la question des personnes qui se retrouvaient éprises virtuellement l'une de l'autre...  Où est la frontière ? Où est l'idéal ? Quel choix à faire dans cette situation ?  Et surtout, quels choix feront-ils, eux ?


Ce livre, vous le lirez quelques heures à peine.  Attention, que les choses soient claires,on n'est pas dans un roman de grande facture mais simplement, il fait son job. C'est léger, rapide, simple, savoureux et plein d'humour.   Un parfait compagnon de vacances.


Extraits :

"Écrire, c'est comme embrasser, mais sans les lèvres. Écrire, c'est embrasser avec l'esprit."
 ***
"Le jour suivant
Objet : Me froisser
"Cher Léo, j’abandonne le « Leike ». Vous pouvez donc oublier le « Rothner ». J’ai trouvé vos mails d’hier tout à fait savoureux, je les ai lus plusieurs fois. J’aimerais vous faire un compliment. Je trouve fascinant que vous soyez capable d’engager la conversation avec une personne que vous ne connaissez pas du tout, que vous n’avez encore jamais vue et que vous ne verrez probablement jamais, de qui vous n’avez rien à attendre, et cela sans savoir si elle vous répondra de la même manière. C’est une attitude atypique chez les hommes, que j’apprécie chez vous. Je voulais commencer par vous dire cela. Bien, et maintenant je voudrais aborder quelques points :
1. Vous avez une psychose avancée des mails de vœux groupés. Où l’avez-vous attrapée? Il semble que l’on vous vexe à mort quand on vous souhaite un « joyeux Noël et une bonne année ». Bien, je vous promets que je ne le ferai plus, plus jamais ! Du reste, je trouve extraordinaire que vous pensiez être capable de déduire l’âge de quelqu’un d’un « joyeux Noël et bonne année ». Aurais-je eu dix ans de moins si j’avais dit « joyeux Noël et heureuse année » ?
2. Désolée, cher Léo le psychologue du langage, mais croire qu’une femme ne peut pas avoir moins de 20 ans si elle n’utilise pas « cool », « chanmé » et « grave » me semble une attitude un peu naïve et pontifiante. Non pas que j’essaie, quand j’écris ceci, de vous faire croire que j’ai moins de 20 ans. Mais sait-on jamais ?
3. J’écris comme si j’avais 30 ans, dites-vous. Mais une trentenaire ne lit pas Like, dites-vous encore. Je vous explique cela volontiers : j’avais pris l’abonnement à Like pour ma mère. Alors, qu’en dites-vous ? Est-ce que, tout compte fait, je suis plus jeune que mes mails ne le laissent penser ?
4. Après cette question fondamentale, je m’en vais. J’ai malheureusement un rendez-vous. (Préparation à la confirmation ? Cours de danse ? Manucure ? Thé avec des amies ? Je vous laisse choisir.) Bonne fin de journée Léo ! Emmi."

Trois minutes plus tard
RE :
"Ah oui, Léo, je vais vous divulguer un secret : pour la pointure, vous n’étiez pas très loin. Je fais du 37. (Mais pas besoin de m’offrir des chaussures, j’ai déjà tout ce qu’il faut.)"

Trois jours plus tard
Objet : Un manque
"Cher Léo, quand vous ne m’écrivez pas pendant trois jours, j’ai deux réactions : 1. Je suis étonnée. 2. Je ressens un manque. Ce n’est pas très agréable. Faites quelque chose ! Emmi."




"Anatomie d'un soldat" de Harry Parker (2016)


En bref :

Ceci n'est pas vraiment un roman. Ceci n'est pas un livre médical. Ce n'est pas non plus une simple histoire de guerre, non.  Ce livre raconte l'histoire étonnante de 45 objets emblématiques ayants appartenu à Tom Barnes, un soldat blessé au combat, dans une région que l'on pourrait situer en Afghanistan.

Le jeune capitaine britannique Tom Barnes est envoyé en mission dans une zone de conflit. Au retour d’une patrouille nocturne, il marche sur un engin explosif improvisé et est immédiatement rapatrié en Angleterre. Débute alors un autre combat tant psychologique que physique durant lequel le héros va parvenir à surmonter « ce à quoi l’on ne pouvait survivre » grâce à l’aide non seulement des médecins, mais aussi de sa famille ainsi que de l’être aimé.

Chaque objet livre son histoire tout en s’inscrivant dans le contexte du drame. Avant, pendant et après, tout compte. On nous livre la vérité crue sur la guerre. Une vérité sans ambages. On ne cache rien ici,  de l’état mental et physique du soldat.  Vous êtes-vous déjà demandé de quoi par exemple, un casque, un verre de bière ou une bicyclette pouvaient bien être témoin ?  Et s'ils pouvaient enfin tout nous raconter ?



Mon avis :

Complètement différent de tous les autres livres déjà lus, cette histoire inédite est ... Bouleversante.
Faire parler ces objets, un coup de génie.  L'auteur nous invite ici à compléter le puzzle de la vie d'un soldat au travers une série d'objets, militaires ou non, ayant eu de près ou de loin un lien avec lui-même.  Objets créés pour aider, pour nuire, pour sauver.  Objets manipulés par des hommes eux-mêmes manipulés... Des objets qui entendent tout, qui voient tout.

Mais attention, pas question ici de prêter des caractères humains à de simples accessoires.
C'est pourquoi parfois, les passages sont durs, crus, aussi secs que le bruit de la claque qu'on reçoit en lisant certains témoignages.  Par une relation de faits simple et objective, l'auteur donne corps aux souffrances, aux émotions, aux deuils et aux espoirs.  On se retrouve envahis de sentiments, on est complètement submergé, parfois même opprimé par certaines scènes extrêmement violentes alors qu'à d'autres moments, on se surprend à sourire de façon bienveillante.

Via ces objets, on s'approprie l'histoire comme si elle était notre.  On accompagne ce soldat, de son engagement à son accident.  On accompagne l'ennemi dans ses expéditions.  On accompagne les proches, restés au pays.   Puis, surtout, on traverse avec lui la dure épreuve de la ravalidation.  On y croit, on a mal, on espère.

Quel tour de force.

L'auteur connaît son sujet puisqu'ancien militaire lui-même, il a vécu le traumatisme raconté dans le livre.  Il a perdu ses 2 jambes en sautant sur une mine en Afghanistan en 2009.


Extraits :

"Mon numéro de série est le 6545-01-522.  j'ai été déballé d'un étui en plastique, puis ouvert, contrôlé et réassemblé.  Un marqueur noir à écrit sur moi : BA5799 O POS et j'ai été mis dans la poche de la cuisse gauche du pantalon de treillis de BA5799.  C'est là que je restais, cette poche était rarement ouverte.
 J'ai passé huit semaines, deux jours et quatre heures dans cette poche.  On n'avait pas encore besoin de moi.  Je glissais contre la cuisse de BA5799, de-ci de-là, en général lentement mais parfois vite, en bondissant dans tous les sens.  Et il y avait du bruit: des détonations et des crissements, des gémissements aigus, des cris d’excitation et de colère. 
Un jour, j'ai été immergé dans de l'eau stagnante pendant une heure.

Je me suis déplacé dans des véhicules à chenille, à roues, à ailes et à rotors. J'ai été trempé dans de l'eau savonneuse puis mis à sécher sur une corde  à linge et je n'ai rien fait pendant toute une journée.

le 15 aout à 06h18, alors que je glissais le long de la cuisse de BA5799, j'ai été soulevé dans le ciel et retourné sur moi-même.  Et soudain, j'étais à la lumière.  Il y avait du désordre, de la poussière et des cris.  J'étais par terre à coté de lui.  Il était à plat ventre.  J'étais à coté de lui tandis que de la boue et des pierres tombaient autour de nous..."





samedi 8 avril 2017

"Le restaurant de l'amour retrouvé" de Ito Ogawa

En bref :

Une jeune femme de vingt-cinq ans perd la voix à la suite d’un chagrin d’amour, revient malgré elle chez sa mère, figure fantasque vivant avec un cochon apprivoisé, et découvre ses dons insoupçonnés dans l’art de rendre les gens heureux en cuisinant pour eux des plats médités et préparés comme une prière. Rinco cueille des grenades juchée sur un arbre, visite un champ de navets enfouis sous la neige, et invente pour ses convives des plats uniques qui se préparent et se dégustent dans la lenteur en réveillant leurs émotions enfouies...

Mon avis :

Continuons notre tour du monde littéraire avec un petit voyage au Japon.  Ce livre, depuis longtemps, m'attendait au fond de ma bibliothèque virtuelle, le titre franchement mielleux et la couverture tellement convenue ne m'encourageant pas vraiment à le lire.  Puis dernièrement, cherchant l’inspiration et m'étant souvenue l'avoir déniché dans une liste de livres "Feel Good", je m'y suis mise.

Ce fût une très jolie surprise. Bien que le titre soit trompeur (Ce n'est pas une histoire d'amour) et les allusions au monde occidental tellement nombreuses que parfois, il nous faut vraiment fournir un (trop) important effort d'imagination pour nous projeter dans la campagne japonnaise, l'histoire nous emporte avec subtilité vers l'image d'un présent à savourer avec lenteur.

Car au final l’héroïne nous réapprend ici à apprécier chaque petite chose qui fait notre quotidien, à accepter les épreuves avec calme et sérénité.  Au rythme de sa cuisine, les clients savourent chaque plat qu'elle prépare avec la lenteur d'un escargot.  Au fond, vivre les choses comme elles sont est peut-être la solution à nos problèmes.

C'est un retour aux sources.  L'énergie que Rinco met dans la recherche de chaque ingrédient, aussi minime soit-il, dans la confection de n'importe quel plat, aussi banal puisse-t-il être, confère à chacune de ses réalisations une saveur oubliée.

Tout comme Anna Gavalda l'avait si bien fait dans "Ensemble, c'est tout."


Bande annonce :

'Le restaurant de l'amour retrouvé' a rencontré un grand succès au Japon et a été adapté en 2010 au cinéma par Mai Taminaga sous le titre : 食堂かたつむり (Shokudo Katatsumuri).

https://eigapedia.com/v2/video/8796.html


lundi 3 avril 2017

"L'amie prodigieuse T1 - Enfance, adolescence" de Elena Ferrante (2014)


En bref :

Naples, fin des années cinquante. Deux amies, Elena et Lila, vivent dans un quartier défavorisé de la ville, dans la banlieue, leurs familles sont pauvres et, bien qu'elles soient douées pour les études, ce n'est pas la voie qui leur est promise.

Lila, la surdouée, abandonne rapidement l'école pour travailler avec son père et son frère dans leur échoppe de cordonnier. En revanche, Elena est soutenue par son institutrice, qui pousse ses parents à l'envoyer au collège puis, plus tard, au lycée, comme les enfants des Carracci et des Sarratore, des familles plus aisées qui peuvent se le permettre. 

Durant cette période, les deux jeunes filles se transforment physiquement et psychologiquement, s'entraident ou s'en prennent l'une à l'autre. Leurs chemins parfois se croisent et d'autres fois s'écartent, avec pour toile de fond une Naples sombre mais en ébullition, violente et dure. Des chemins qui les conduiront, après le passage par l'adolescence, à l'aube de l'âge adulte, non sans ruptures ni souffrances.

Mon avis :

C'est avec curiosité et plaisir que le roman nous plonge, dès les premières pages, au cœur de l'Italie profonde.  De cette Italie à l'empreinte vieillotte, conservatrice, pauvre.  De ces mentalités d'un âge oublié.  En lisant le livre, je n'ai pu m’empêcher de penser à ma vieille voisine italienne, dans mon petit village natal.  Avec ses kilos en trop, son survêtement de nettoyage, ses cheveux gris clairsemés et sa peau usée par le soleil, elle posait sa chaise sur son trottoir et restait des heures à regarder passer passants et voitures.  Et d'un coup je réalisais que derrière tous ces gestes et habitudes d'un autre âge, d'une autre culture, se cachait une enfance et une adolescence certainement semblables à celles décrites par l'auteure. 

Portrait saisissant d'un quartier populaire napolitain en plein boum économique, baigné par la misère, les camorristes, les tempéraments de feu et les traditions, le tout transporté par l'amitié sans faille qui lie" Lenù et Lila".

Comme vous le constatez, rien ne me plaît plus, quand je lis un livre, de me sentir ailleurs.

Et ce roman fait partie des livres qui "dès qu'on les pose quelque part, vous manquent déjà."


Extraits :

 "A la quatrième volée de marches, Lila eut un comportement inattendu. Elle s'arrêta pour m'attendre et, quand je la rejoignis, me donna la main. Ce geste changea tout entre nous, et pour toujours."

***

"Ce que c'était, la plèbe, je le sus à ce moment-là, beaucoup plus clairement que quand Mme Oliviero me l'avait demandé des années auparavant. La plèbe , c'était nous. La plèbe, c'étaient ces disputes pour la nourriture et le vin, cet énervement contre ceux qui étaient mieux servis et en premier, ce sol crasseux sur lequel les serveurs passaient et repassaient et ces toasts de plus en plus vulgaires.La plèbe, c'était ma mère, elle avait bu et maintenant se laissait aller contre l'épaule de mon père qui restait sérieux, et elle riait, bouche grande ouverte aux allusions sexuelles du commerçant en ferraille. Tout le monde riait et Lila aussi, elle semblait avoir un rôle à jouer et vouloir le jouer jusqu'au bout."
 ***

"J'éprouvai une double humiliation : j'eus honte de ne pas avoir réussi à être aussi forte qu'en primaire, et j'eus honte de la différence qu'il y avait entre la silhouette harmonieuse et bien habillée de l'enseignante, et son italien qui ressemblait un peu à celui de l'Illiade, et la silhouette toute tordue de ma mère, avec ses vieilles chaussures, ses cheveux ternes et son italien bourré de fautes dues au dialecte."


dimanche 19 mars 2017

"Pourquoi j'ai mangé mon père" de Roy Lewis (2012)


En Bref :

Une famille préhistorique ordinaire : Édouard, le père, génial inventeur qui va changer la face du monde en ramenant le feu ; Vania, l'oncle ennemi du progrès ; Ernest, le narrateur, un tantinet benêt ; Edwige, Griselda et d'autres ravissantes donzelles...

Ces individus nous ressemblent : ils connaissent l'amour, la drague, la bataille, la jalousie. Et découvrent l'évolution. Situations rocambolesques et personnages hilarants au programme.


Mon avis :

Carrément décalé, nous plongeons ici au cœur du Paléolithique parmi nos ancêtres, à l'époque du changement et de l'évolution.  Personnages très sympathiques animés d'un quotidien primitif et pourtant pas si éloigné du nôtre.  Scènes très drôles, parallèles anachroniques très subtils et bien placés, langage châtié provoquant d'immenses sourires chez le lecteur. 

Instructif, reflet d'une société actuelle pleine de paradoxes, c'est léger, marrant, très sympathique.  Ne vous attendez pas à des fou-rires comme annoncés sur le quatrième de couverture (ils exagèrent toujours un peu, ceux-là 😆) mais c'est tout de même génial. 

J'ai vraiment passé un très bon moment. 


Extraits :


"C'était (pourtant) cela qui nous avait fait quitter la forêt pour la plaine : on y trouvait abondance de viande. L'ennui, c'était qu'elle était toute sur quatre pattes. Et d'essayer de chasser la viande sur quatre pattes (bisons, buffles, impalas, oryx, gnous, bubales, gazelles, pour ne mentionner que quelques mets dont nous aurions aimé faire notre ordinaire), quand on essaie de se tenir soi-même difficilement sur deux, c'est littéralement un jeu d'andouilles."
 ***
 " - Dans le domaine technologique, les résultats aussi sont en bonne voie. La production des outils de silex excède les plans prévus, et si leur amélioration reste encore un peu lente, elle est incontestable et continue. D'autre part, la maîtrise du feu constitue dans notre économie une véritable révolution, elle nous assure un avenir brillant et une arme invincible pour la suprématie mondiale.
- Hou! hou! scandaleux! l'interrompit à droite oncle Vania. Tobie, vois donc si tu peux fendre ce fémur pour moi, mon garçon. La moelle manque de cuisson et ne veut pas sortir."
 ***
"Edouard, je lis en toi comme dans... dans un... eh bien, je sais exactement ce que tu as dans le crâne."


"Marie d'en en haut" de Agnès Ledig (2012)


 En Bref :  

À 30 ans, Marie, agricultrice de métier, a un caractère bien trempé.  Lorsque Olivier, lieutenant de gendarmerie, débarque chez elle sans prévenir pour une enquête de routine, elle n’hésite pas à le ligoter pour lui faire comprendre explicitement qu’il n’est pas le bienvenu.  Mais cette carapace de femme forte dissimule ses fêlures. C’est grâce à Antoine, son meilleur ami, et Suzie, sa fille, que Marie trouve un sens à sa vie.  Contre toute attente, Olivier en tombera très amoureux, à lui désormais de trouver le chemin parmi les blessures et les souvenirs de Marie, à lui de trouver une place dans cette équation.  Pas simple.


Mon avis :

Difficile de donner son avis sans aller à l'encontre de beaucoup d'autres... Le personnage peut sembler attachant, la situation marrante, que sais-je...

C'est mignon, romantique, un beau combat de coqs pour conquérir la belle.  Un rustre qui n'est pas vraiment rustre, une femme indépendante qui recherche l'amour... Je te hais... Puis je t'aime...  J'ai vraiment eu l'impression de tomber dans une caricature écœurante.  L'auteure appuie trop où l’évidence se trouve.  C'est trop superficiel, évident, trop cousu de fil blanc et surtout trop plein d'idées reçues sur la gendarmerie, le monde paysans et l'homosexualité.  Il y a de quoi faire une belle histoire mais il aurait fallu plus de subtilités, de découvertes, de mystère. Je me franchement suis ennuyée.

Par contre la fin du roman est très émouvante et très belle. 


Extraits :

"Là, c'est en me regardant qu'il a souri. Même dans son sourire, on distingue une faille, un truc qui va de travers, comme s'il y avait des fils à l'intérieur des joues, qui retiennent le coin des lèvres. Et qui ne veulent pas céder. Et puis, il y a une risette sur la bouche et de la tristesse dans les yeux. Le même genre de sourire que le SDF à qui vous venez de donner une pièce. Il est content mais ça ne changera pas sa chienne de vie. Ou le gars sur le quai de la gare qui dit au revoir à son amoureuse. Un sourire de clown triste. Sauf qu'il n'est pas clown. Il est lieutenant. Et peut être triste"

***
 "Après son départ, en touillant mon café, j'ai cherché comment définir l'impression qu'il m'avait faite. J'ai cherché longtemps. Il me faisait penser à un parpaing fourré à la frangipane. En apparence, un mec gris, dur, rugueux, mais dont l'intérieur est riche. Limite indigeste."

***
"On ne peut pas refuser les excuses de quelqu'un, quand elles sont sincères. Il faut les utiliser comme une éponge humide sur le tableau noir et se laisser la chance de réécrire une autre leçon."



mercredi 1 mars 2017

"L'Affaire Cendrillon" de Mary Higgins Clark et Alafair Burke (2014)


En Bref :

Suspicion, un programme de télé-réalité qui reconstruit des cold cases avec la participation des personnes proches des victimes, est la série-événement du moment.   La productrice télé Laurie Moran et l’avocat Alex Buckley, ravis du succès du pilote, ont trouvé l’homicide parfait pour le deuxième épisode : L'Affaire Cendrillon.

La victime est la belle Susan Dempsey, une brillante étudiante de l'Université de Californie à Los Angeles, assassinée après une audition qu'elle était censée passer dans la villa d'un grand réalisateur hollywoodien. Mais même si les preuves ont été dissimulées, les possibles suspects finiront tous sous les feux des projecteurs télé. Entre stars hollywoodiennes et multimillionnaires de l'industrie des technologies de pointe, découvrir où Cendrillon a perdu sa chaussure ne sera pas si simple, et au bout du compte l'enquête télé pourrait se révéler plus dangereuse que le meurtre qu'elle cherche à élucider…


Mon avis :

Il semblerait que ce roman soit le second d'une nouvelle série basée sur le principe des "cold cases".  Je n'ai pas lu le premier (Le Bleu de tes Yeux) mais cela ne m'a pas empêchée de comprendre l'histoire ou le passé de l'héroïne.  Des brides du premier récit parsèment suffisamment le roman pour que le lecteur ne soit pas perdu, tant mieux.  (Cependant, à refaire, je commencerais certainement par le premier opus 😉)

J'ai bien aimé cette histoire, j'ai retrouvé l'auteure de ma jeunesse, ce type de roman où tu te demandes qui est l'assassin et où tu te surprends à élaborer tes propres scénarios.  Sympa.
Une lecture fluide, rapide, efficace, un moment agréable. Mary Higgins Clark fait le job. 
C'est tout ce qu'on lui demande.  De là à révolutionner le genre...


Extraits :


"La perte d’un être cher est une épreuve terrible, mais c’est une souffrance supplémentaire de ne pas savoir qui en est responsable, ni la raison qui l’a provoquée."
 ***

" On a parfois besoin d'un rival pour donner le meilleur de soi."

***

"Il était fidèle à sa manière, comme un bigame qui prétendrait que son seul crime est de trop aimer ses épouses pour les décevoir.  "


vendredi 17 février 2017

"Wilt 1" de Tom Sharpe (2005)


En bref :

La quarantaine passée, Henry Wilt a des problèmes. Beaucoup de problèmes. À commencer par une carrière au point mort, des étudiants demeurés, des quadruplées odieuses – et Eva, bien sûr, une épouse frustrée qui jubile à le rabaisser. C'est en sortant son chien que Wilt réfléchit à la méthode la plus efficace pour se débarrasser de sa femme, devenue bien trop encombrante à son goût.  La rencontre avec une (fausse) riche voisine, adepte des jeux du sexe et des mauvais coups, va plonger la famille Wilt dans une série d’événements cataclysmiques où se croisent pêle-mêle une voisine perverse, les espions soviétiques et un crocodile.



Mon avis :

Catégorie "livres qui font du bien" (surtout après le précédent, "La griffe du chien" !)
Ce livre est carrément déjanté, ça nous fait rire et c'est tant-mieux.  On a tous besoin d'un anti-héros à l'humour sarcastique et au caractère bien tranché.

Et à travers tout cela, comme souvent, une petite satire de notre société actuelle, teintée d'absurde et d'une niaiserie légèrement cynique.

C'est absurde, loufoque, ridicule parfois mais ça fait du bien ;-)


Extraits :

"- Tout ce que je peux dire, protesta l'entrepreneur en bâtiment, c'est que tous les professeurs de culture générale ne finissent pas par enterrer leur femme dans des puits de fondation.
- Tout ce que je peux dire quant à moi, dit le principal, c'est que je suis extrêmement surpris qu'il ait été le seul à le faire jusqu'à présent."

***


"- Wilt, aboya-t-il. Je me tape le coquillard de ce que vous vouliez devenir. Je veux savoir ce qu'est devenue votre femme.
- J'y arrivais justement, dit Wilt. Mais d'abord il nous faut établir précisément qui je suis.
- Je le sais bien qui vous êtes ! Une sale bonimenteur, un contorsionniste du verbe, un foutu coupeur de cheveux en quatre, une encyclopédie vivante des références inutiles...
L'inspecteur était à court de métaphores.
- Magnifique, inspecteur, magnifique. Je n'aurais pas dit mieux. Coupeur de cheveux en quatre, oui, mais pas découpeur de femmes. Si nous poursuivons ce raisonnement, Eva, en dépit de toutes ses belles pensées et méditations, n'a pas changé d'un iota. L'Empyrée ne veut pas d'elle. Le Nirvana lui échappe. La Beauté et la Vérité sont hors de son atteinte. Elle court après l'Absolu avec un chasse-mouches et déverse du Harpic dans les canalisations de l'Enfer lui-même..."

***

 "Chaque fois qu’Henry promenait son chien ou, pour être plus précis, chaque fois que son chien l’emmenait promener ou, pour être exact, chaque fois que Mrs Wilt leur enjoignait de débarrasser le plancher car c’était l’heure de ses exercices de yoga, il suivait invariablement le même chemin. Le chien le prenait docilement, et Wilt suivait le chien."



"La Griffe du Chien" de Don Winslow


En bref :

Art Keller, le « seigneur de la frontière », est en guerre contre les narcotrafiquants qui gangrènent le Mexique. Adán et Raúl Barrera, les « seigneurs des cieux », règnent sans partage sur les sicarios, des tueurs armés recrutés dans les quartiers les plus démunis. Contre une poignée de dollars et un shoot d’héroïne, ils assassinent policiers, députés et archevêques. La guerre est sans pitié.


Mon Avis :

A mi-chemin entre le roman et le documentaire, nous plongeons ici au coeur du narco-trafique qui baigne l'Amérique Latine et gangrène les politiques.  Une galerie de personnages parfaitement bien rodés et un scénario hypercomplet qui nous laissent pantois.

Magistral, terrifiant. Incroyable. Tellement crédible, déroutant et écœurant de réalité.  Nous plongeons ici au cœur de la guerre, au cœur des magouilles mouillant les meilleurs ou tuant sans vergogne ceux qui tentent de faire changer les choses.

C'est un coup de maître et sans conteste le meilleur "roman" (est-ce vraiment une fiction ?) sur cet univers impitoyable et terriblement captivant des narcostrafiquants.

Pour les amateurs de "Narcos" ou pour les passionnés d'intrigues politiques et d'organisation criminelle.  Attention, c'est violent, cru, sans détour.  Ça ne vous laissera pas indifférent. Il existe une suite, "Cartel", mais vu l'implication émotionnelle que le récit entraîne, mieux vaut faire une petite pause entre les deux, ce que j'ai fait.

Ne vous laissez pas décourager par le nombre de pages ou le début un peu lent - voir mastoque-, si vous aimez le style, poursuivez.

Extraits :

"Voilà pourquoi le .22 est l'arme de prédilection de Callan. Elle n'est pas suffisamment puissante pour expédier une balle traversante. Au contraire, le plomb danse la gigue à l'intérieur de la boîte crânienne en cherchant frénétiquement une sortie, il allume toutes les lumières avant de les éteindre.
Game over.
Et pas de bonus."

***
  "Il tend la main.
-Juan Parada.
-Nora.
Nora, rien de plus, remarque-t-il. Pas de nom de famille.
-Vous vivez au Mexique, Nora ?
-Non, je suis ici pour affaires.
-Et vous êtes dans qu'elle branche ?
Elle le regarde droit dans les yeux.
-Je suis call-girl.
-Je crains de ne pas ...
-Je suis une prostituée.
-Ah.
-Et vous, vous faites quoi ?
-Je suis prêtre, répond-il avec un sourire."

***

" - Je n'ai pas le temps de jouer au plus con avec vous, les mecs, leur explique-t-il. Voici le problème. En ce moment, vous avez plus peur de Miguel Angel Barrera que de moi. Il va falloir inverser cette donnée.
- S'il vous plaît, dit le chef. Nous sommes tous des policiers.
- Non, moi je suis policier, répond Ramos en enfilant des gants noirs plombés. L'homme que vous avez kidnappé est policier. Vous, vous n'êtes que des merdes."


"Dien n'habite pas la Havane" de Khadra Yasmina (2016)


En Bref :

À l’heure où le régime castriste s’essouffle, « Don Fuego » chante toujours dans les cabarets de La Havane. Jadis, sa voix magnifique électrisait les foules. Aujourd’hui, les temps ont changé et le roi de la rumba doit céder la place. Livré à lui-même, il rencontre Mayensi, une jeune fille « rousse et belle comme une flamme », dont il tombe éperdument amoureux. Mais le mystère qui entoure cette beauté fascinante menace leur improbable idylle.



Mon avis :

J'ai aimé la musique, la rumba, les soirées enflammées et toutes les couleurs qui teintent cette histoire.

J'ai aimé l'ambiance de l'époque: l'histoire se situe entre la fin de l'embargo économique à Cuba - qui depuis 1962 poussait les Cubains à développer leurs propres mécanismes de survie, entre débrouille, bricolage et petits arrangements avec l'administration - et le rétablissement des relations avec les USA en 2015, quand le pays bascule vers le libéralisme.  

J'ai aimé partager avec ce drôle de héros égocentrique le sentiment de dépendance, d'impuissance face au changement subit par la plupart des cubains, l'envie de garder l'authenticité d'une culture, d'une histoire, d'un petit paradis hors du temps.  Une belle nostalgie que l'on touche ici du bout des doigts.  J'aurais tellement aimé voir Don Fuego danser.  Je suis moi aussi devenue nostalgique de "ce Cuba là". 

J'ai aimé avoir l'impression de connaître Cuba.

Je n'ai pas aimé l'histoire rocambolesque qui sert de base à cette toile pourtant parfaite dans le fond.  Il était pour moi inutile d'en faire un pseudo-polar, l'ambiance et l'histoire d'amour suffisants à eux-même pour en faire un petit bijoux.  Dommage.


Extraits :

"....Lorsque je lève les yeux au ciel, déclare le poète, et que je vois tous ces astres, je me dis qu'il y a certainement un chef d'orchestre derrière. Mais nulle part je ne le vois. C'est ennuyeux. Alors, je me suis autoproclamé Dieu tout-puissant. J'ai fait des étoiles mes lumières, des vents ma musique et des océans mes sources d'inspiration. C'est ainsi que je suis devenu poète. Mon cœur est amoureux de toutes les femmes, mon esprit veille à trouver de la beauté en toute chose. Les fleurs s'épanouissent pour moi et se fanent dès que je regarde ailleurs."

***

" À la Havane, Dieu n'a plus la cote. Dans cette ville qui a troqué son lustre d'autrefois contre une humilité militante faite de privations et d'abjurations, la contrainte idéologique à eu raison de la foi.Apres avoir épuisé l'ensemble des recours adressés au père de Jésus, et ce dernier s' étant inscrit aux abonnés absents les quêteurs de miracles se sont déportés sur l'esprit de leurs ancêtres. Ils trouvent moins hasardeux de confier leurs voeux aux prêtres et aux charlatans que de solliciter les prophètes plus occupés à entretenir leurs jardins d' Éden qu à prêter attention aux damnés d'ici - bas."

***

" Mon cœur bat à me défoncer la cage thoracique. Il bat ainsi depuis trente-cinq ans chaque fois que je me prépare à monter sur scène. C’est un moment d’une exquise intensité. J’ai le sentiment d’être sur le point de provoquer des miracles, de pouvoir bientôt transformer les toxines en étincelles, les frissons en orgasmes. Et puis, quelle fierté de voir, grâce à moi, un vétéran se découvrir la force de remuer ses vieux os au rythme des tumbadoras, les couples valser en s’enlaçant comme aux premiers jours de leur idylle et les saintes-nitouches aux poitrines tombantes troquer volontiers leur réserve excessive contre un pas de danse."

"Demain Les Chats" de Bernard Werber (2016)


En Bref :

Et si vous étiez dans la tête d'un chat ? Qui contemple le monde, mené à sa perte par des ridicules humains, sensés les servir avant tout autre chose ?

Les chats, êtres supérieurs, sont-ils les seuls à pouvoir sauver l'humanité de sa destruction ?
Armés d'une sagesse et d'une intelligence insoupçonnée, ils mènent ici le combat contre la fin du monde, que l'Homme ne parvient pas à gagner.


Mon avis :

Franchement barbant, le livre nous mène de A à Z vers une fin que l'on imagine déjà sans peine dès les premières pages. Si les premiers chapitres peuvent s'avérer sympas en nous proposant une image des chats assez hautaine, eux-même jugeant l'espèce humaine de façon assez pathétique, la suite est franchement laborieuse.

Outre un espace temps très mal défini, qui empêche clairement l'imprégnation de l'histoire, le manque d'originalité et le scénario digne d'un mauvais roman  tourne rapidement l'histoire au ridicule.

Bernard Werber a pour moi clairement perdu la plume de ses débuts, qui en faisait son originalité.  A se demander quel le but de cette prolifération de romans.  J'ai davantage l'impression qu'elle sert plus son portefeuille que ses lecteurs...


Extraits :

"- Qu'est-ce qui pousse les humains à s'entretuer avec une telle frénésie ?
- Il y a plusieurs raisons : acquérir des territoires plus larges, voler les richesses de leurs voisins et leurs jeunes femelles fécondes, les convertir à la religion de leur Dieu.
- C'est quoi un "dieu" ?
- Il s'agit d'un personnage imaginaire. Il est représenté le plus souvent sous la forme d'un géant qui vit dans le ciel. Il a une robe blanche et une barbe. C'est lui qui édicte ce qui est bien et ce qui est mal. C'est lui qui juge. C'est lui qui décide de tout ce qui va arriver aux humains.
- Et tu dis que c'est un personnage qu'ils ont inventé ?
- Ils ont suffisamment de goût pour les personnages imaginaires pour être prêts à tuer ou à mourir pour lui. En fait, pour être juste, Dieu est depuis quelque temps la raison principale du terrorisme et des guerres.
- Mais tu m'as dit qu'aucun humain ne l'avait rencontré.
- Pour nous, les chats, cela peut évidemment paraître illogique, mais il semblerait qu'ils aient créé Dieu parce qu'ils ne supportaient pas d'être libres et responsables de leurs propres actes. Grâce à cette notion, les humains peuvent se percevoir eux-mêmes comme des êtres qui ne font qu'obéir à un maître. Tout ce qui arrive est "Sa" volonté. C'est également un moyen d'assujettir les esprits les plus faibles."



"Le fou et l'Assassin" Tome 1-2-3-4 de Robin Hobb


En bref : Résumé du Tome 1 :


Souvenez-vous de l'Assassin Royal.  Souvenez-vous de FitzChevalerie Loinvoyant.  
Et bien...  Les années ont passé.  15 exactement. 
Entouré de sa famille, sous son pseudonyme de Tom Blaireau, notre ancien assassin royal coule enfin des jours et des années paisibles en son manoir de Flétribois, en compagnie de Molly sa bien aimée. Mais derrière cette façade respectable se cache son passé trouble et violent, qui le rattrape sans crier gare. 

Un soir d'hiver, un messager se présente à lui avant de disparaître dans des circonstances sanglantes. Quel était le message ? Qui en était l'expéditeur ? Autant de questions sans réponses, autant de vestiges de son passé brutal qui menacent la paix chèrement gagnée...


Mon avis :

Oh joie, Oh bonheur !  Quelle chance de retrouver nos anciens héros, tel qu'on les avait laissé.
Après 13 tomes de "l'Assassin Royal" et 9 des "Aventuriers de la mer", 15 ans ont passé.

Et pourtant... Plonger dans ce roman c'est comme retrouver de vieux amis perdus de vue depuis longtemps mais que l'on a jamais vraiment pu oublier. Tous ont vieilli, certains mieux que d'autres, beaucoup ne sont malheureusement plus là pour profiter de cette période de paix et de prospérité que connaissent les Six-Duchés, et leur absence se fait cruellement ressentir, aussi bien pour les personnages que pour le lecteur qui se souvient avec émotion d'un temps où ils occupaient une place de premier plan dans l'intrigue. 

Robin Hobb déroule le fil des aventures en tirant subtilement sur le fil de nos émotions et fait en sorte, une fois de plus, de créer une addiction tenace au fil des pages.

Le Tome 5 se fait déjà attendre.  Vite !
Fan de Fantasy, soyez servi :-)

Extraits :

Difficile de vous proposer des extraits sans vous en dévoiler l'intrigue...

Si vous connaissez les débuts des FitzChevalerie, des Six-Duché, si vous souvenez avec émotion de la magie de l'Art et du Vif, plongez-vous simplement dans ces livres et vous serez ravis :-)