lundi 21 août 2017

"Continuer" de Laurent Mauvignier

En Bref :

Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux.

Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu’à aujourd’hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter.

Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu’elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver, peut-être, le fil de sa propre histoire.


Mon avis :

Notre vie, notre histoire, c'est le roman que l'on choisit d'écrire à chaque jour qui passe.
Au fil des pages que l'on remplit, on peut subir, fuir, crier, pleurer, se dire que oui, la vie est moche, mais c'est ainsi.  Après des années de résignation, un divorce difficile et un adolescent qui tourne mal, Sibylle se réveille.  Sibylle nous réveille.

Subir la vie comme un fardeau, c'est un choix ou un combat auquel on n'ose parfois pas se confronter.  Mais quand elle réalise que son fils se perd, lui aussi, que celui qu'elle aime de tout son être part à la dérive, alors Sibylle décide de se battre.  Pour lui.

Mais comment s'en sortir face à un ado qui refuse le dialogue, un ado empli de haine, de colère envers tout ? Qui le comprend, lui ? Car le monde est débile, sa mère trop stupide, rien qu'à la voir, il a envie de tout casser....  Quand la force du désespoir pèse sur nous comme une enclume, quand on a l'impression que tout nous échappe, une seule option : continuer.

Cette histoire m'a bouleversé. Parce que la force de cette mère, écrasée par le poids de son existence, se réveille et soulève des montagnes pour sauver son fils.  Parce que le langage, les idées, l'expression de cet adolescent sont tellement criants de vérité, bruts, secs, vivant puissamment dans le fond de son cœur.  Parce que la détresse de cette mère est tellement palpable, tellement présente dans chaque mot, dans chaque action que l'on voudrait lui crier, Allez !, Continue !

Une histoire d'amour qui n'a nul égal entre une mère et son enfant. J'ai refermé ce roman très émue.  Parce que je suis une mère ? Une femme ? Parce que je côtoie des ados ?  Je pense simplement qu'il porte en lui la force de la simplicité, la force des mots.

Extraits:

"Sa mère se faisait des illusions si elle pensait qu'elle pourrait changer quelque chose en lui, de lui, si elle croyait qu'il lui suffirait de prendre quelques semaines de grand air, accompagné de chevaux et de montagnes, de silence et de lacs, pour que soudain tout dans sa vie se déplie et devienne simple et clair, pacifié, lumineux, pour qu'il cesse enfin de se sentir écrasé à l'intérieur de lui-même, comme si on allait arrêter un jour d'appuyer sur son cœur, sur son âme, sur sa vie, comme si l'étau pouvait un jour se desserrer."
***

"Alors à ce moment-là, il est au bord de reconnaître qu'il en est bouleversé,
il pourrait, oui,
s'il n'avait pas si peur d'avouer qu'il aime sa mère,
s'il n'était pas effrayé à l'idée de l'aimer–
lui qui sait si bien qu'aimer et accepter est plus difficile que haïr et rejeter."

***

"Il pouvait arrêter de geindre et se mettre à agir, c'est tout ce qu'elle voulait, tout ce qu'elle attendait de lui, tout ce qui avait motivé ce voyage, qu'il réagisse, qu'il reprenne contact avec la vie. Alors, il en avait l'occasion, il lui suffisait de prendre la carte, de tracer un chemin à travers le pays, de proposer des routes, de choisir des itinéraires, et c'est pourquoi elle pensait qu'elle n'avait pas à s'excuser, pourquoi elle voulait qu'il comprenne que ce qui venait de se passer, si elle en était en partie responsable, il ne l'était pas moins, lui, à cause de sa passivité, et qu'on est aussi responsable de se laisser entraîner dans une impasse que de s'y embarquer soi même."




samedi 12 août 2017

"Maudit Karma" de David Safier


En bref :

Kim Lange choisit d'aller recevoir son prix de meilleure présentatrice télé le jour de l'anniversaire de sa fille Lilly qu'elle fêtera avec elle le lendemain...

Mais elle meurt le soir même. Dans l'au-delà, elle apprend qu'elle a trop mal agi dans sa vie et est réincarnée en fourmi.

Mon avis :

Vraiment... L'idée peut être sympa, la réincarnation, même si c'est un peu facile. Mais soit.
Le problème ici c'est que c'est... Vide. Rien. Rien qu'on ne devine, rien de marrant, rien de passionnant.... Juste... Embêtant.

Kim, être abjecte et égoïste, meure et se réincarne en fourmi.  La vie de fourmi est décrite de façon bien trop creuse et décevante. La fourmi meure, se réincarne etc etc... A chaque fois, Kim ne pense qu'à voir sa fille. Ça lasse, voyant le style, on sait déjà comment ça finira.  Parfois ce n'est pas un soucis, le chemin menant au dénouement portant lui-même toute l'histoire.  Ici ...hum... Comment dire.. Même les animaux sélectionnés sont tous sauf originaux. Le descriptif de leur quotidien baignant dans le conventionnalisme, aucune recherche, aucune originalité.

Alors oui, il semblerait que je ne sois pas réceptive à l’humour potache, aux taches littéraires destinées à "passer un été trop marrant sur la plage avec mon super bouquin anti dépresseur" mais pitié... Il y a 1000 fois mieux, comme les romans de Gilles Legardinier ("Demain, j’arrête") qui lui, fait franchement rire et est bien plus subtil et travaillé .... Cependant si vous avez aimé "Le fakir Ikéa", il est possible que vous soyez en train de vous dire que je n'ai aucun humour. (Si vous avez aimé ce roman, lisez donc le Fakir Ikéa, ça vous plaira)

...J'ajouterai une fin écœurante de niaiserie. J'assume.


Extraits :


"Où veux-tu en venir ? m'interrompit Bouddha.
J'essayai de raccrocher les wagons :
- Si... si tu es Bouddha, et si je suis réincarnée... alors, pourquoi en fourmi ?
- Parce que tu n'as pas mérité autre chose.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? Que je n'étais pas quelqu'un de bien ? dis-je avec colère.
Je n'avais jamais pu supporter les humiliations.
Bouddha se contenta de me regarder, sans cesser de sourire.
- Les dictateurs ne sont pas des gens biens ! Protestai-je. Les politiciens non plus, ni, à mon avis, les programmateurs de télévision, mais sûrement pas moi !
- C'est pourquoi les dictateurs se réincarnent en autre chose, répliqua Bouddha.
- En quoi ?
- En bactéries intestinales."
***
 "Je n'avais jamais imaginé la mort comme cela. Plus exactement, je n'avais jamais imaginé la mort. J'étais bien trop occupée par ma vie frénétique. Par toutes sortes de choses sans importance (exemple : ma déclaration de revenus), importantes (exemple : ma carrière) ou essentielles (exemple : les massages relaxants)."

***
" Un touriste m'avait jeté son portable à la tête parce que j'essayais de lui faucher ses chips au paprika. Ce qui prouve deux choses : d'abord, les hommes ne trouvent les écureuils mignons que tant qu'ils ne les énervent pas. Ensuite, il existe des gens incapables de se détendre, même en congé."

"Lontano" de Jean-Christophe Grangé


En bref:

Le père est le premier flic de France. Éminence grise du pouvoir, Grégoire Morvan a connu ses heures de gloire en Afrique dans les années 80, en arrêtant au Congo « l'Homme clou », tueur en série au rituel atroce, inspiré des plus violents fétiches africains.
Le fils aîné bosse à la Crime. C'est le meilleur.
Le cadet règne sur les marchés financiers.
La petite soeur tapine dans les palaces.

Chez les Morvan, la haine fait office de ciment familial. Pourtant, quarante ans plus tard, en France, les cadavres mutilés, criblés de ferraille et de tessons s'accumulent : la marque de « l'Homme clou », le tueur mythique des années 70, ressurgit des limbes africaines.

Le clan doit se tenir les coudes. Sur fond d’intrigues financières, de trafics miniers, de magie yombé et de barbouzeries sinistres, les Morvan vont affronter un assassin hors norme, qui défie les lois du temps et de l’espace. Ils vont surtout faire face à bien pire : leurs propres démons.




Mon avis :

Je vous avoue, honte à moi, n'avoir auparavant jamais "lu" un roman de Grangé.  Après celui-ci, c'est plus que probable que j'en lirai d'autre.

Ce pavé de 800 pages (150 chapitres... Hé oui, il vous faudra du courage.  Ne vous laissez pas influencer par l'épaisseur, ce serait dommage) fût englouti comme jamais.  Captivant dès le début, il ne vous laisse pas une minute de répit.  Congo, Coltan (minerai de couleur noire ou brun-rouge dont on extrait le niobium et le tantale. Il sert dans la fabrication d'appareils électroniques grâce notamment à sa qualité anticorrosive. Le Kivu au Congo contient presque 80% des réserves mondiales), drogue, bizutage dans l'armée, magie africaine et manipulations génétiques, meurtres sanglants et enquête policière... Rien que ça !

Dans le tome 2, "Congo Requiem", il nous permet de nous plonger au cœur du trafic d'armes, de découvrir l’Afrique profonde, nous apprend ce qu'est le Coltan et les conditions de "sur-vie" au cœur de la jungle mortelle des trafiquants.  On se noie dans la noirceur du passé de Morvan père, nous découvrons davantage les racines de cet amour-haine familial...
 

Bref.  On voyage, on tremble, on trépigne... Il n'y a pas à dire, c'est un EXCELLENT polar. Grangé confirmera sans doute sa maîtrise de l'art du thriller pour les connaisseurs qui le suivent.  Quand à moi, je me lancerais certainement dans son précédent opus, Kaïken, car forcément, ça ne peut être que du bon...



Extraits :

"Toute la soirée, elle avait ruminé sa honte de la veille. La partouze bidon, la cérémonie ridicule, les notables dépravés... Ce qui la tuait, c'était le regard de son frère. Il était à la fois la personne qu'elle aimait et haïssait le plus.
Pour les mêmes raisons.
Erwan, le héros, l'irréprochable.
Son père était un monstre, Maggie une cinglée, Loïc une épave. Au moins, avec eux, les choses étaient claires. Mais l'aîné... Elle réfléchit encore et parvint à ordonner les éléments d'une autre façon - cinq ans de philo, ça aide. Elle voulait humilier sa famille, piétiner leurs valeurs hypocrites. L'arrivée du frangin avait donc été une bonne chose : que vaut le blasphème si le croyant n'est pas là pour l'entendre ?"
 ***
"Contrairement à ce qu'on pense, personne n'est au-dessus des lois en Afrique, parce qu'il s'agit des lois de la nature. L'atmosphère y est plus seine qu'aux Etats-Unis par exemple, où l'homme se croit souverain.
Puis Katrina passe et tout le monde est remis à sa place.
En Afrique, Katrina, c'est tous les matins: alors, pas question de se prendre pour le pape..."
 ***
 "Le clou de la collection était une série de statuettes percées de pointes de métal, de tessons de bouteille, couvertes de chaînes, de fibres, de plumes souillées de sang: des mikondi provenant du Mayombé, dans le Bas-Congo. Ces effigies étaient des armes contre les sorciers et leurs envoûtements. Morvan en avait souvent expliqué le principe à son fils: le nganga, le guérisseur, les activait en y plantant un clou ou un morceau de verre."

"Les Coloriés" de Alexandre Jardin (2004)

En bref :

Est-il possible de vivre sans adultes ? De dire non a l'univers raisonnable et sérieux des grandes personnes ? À des milliers de kilomètres de la France vit un peuple qu'aucune carte n'a jamais répertorié : les Coloriés. Turbulents, sincères et gobeurs d'instants, ils vivent dans un univers sans adultes où l'enfance et le jeu sont devenus une culture à part entière. En 2003, Hippolyte, ethnologue, rencontre à Paris Dafna, une jeune et ravissante représentante du peuple colorié. 
Imprévisible, gouvernée par ses émotions et ses désirs fantasques, cette «grande petite fille» le bouleverse immédiatement. Mais les Coloriés ne sont pas oiseaux que l'on apprivoise facilement. Et voilà Hippolyte embarqué dans une course-poursuite imprévue qui l'entraînera bien loin de chez lui.

Mon avis : 

La trame est novatrice et fort bien inspirée.  L'idée d'un monde sans règles, où chaque désir se vit sur le moment, où chaque sentiment est exprimé sans retenue, qui n'en a jamais rêvé ? La vision de notre monde par les coloriés fait réfléchir. Leur mode de vie, bien qu'imparfait évidemment, et surtout complétement utopiste, est très intéressant.  Voir ... inspirant.

Cependant la première partie du roman m'a semblé terriblement longue, redondante... Une fois que l'on saisi l'idée, les longueurs semblent inutiles. L'Auteur accapare parfois le personnage d'un coté naïf servant à des fins moralisatrices inutiles.  Il m'a fallu attendre une bonne moitié de l'histoire pour enfin voir les choses avancer. La deuxième partie est  beaucoup plus captivante. 

Néanmoins, la démarche vaut la peine d'être lue, car "sérieusement", un peu de coloriage, d'aventure et d'authenticité dans nos vies d'adultes nous feraient le plus grand bien...



Extraits : 

"En pays adulte, l'indécence est d'être authentique"


***

"La plupart des grandes personnes ignorent que l'incroyable est une option et que seules les histoires qui n'auraient jamais du arriver valent le coup d'être vécues"

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 " Pile on se marie rapidos, face on s'achète des glaces à la pistache !"

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" L'âge nous déprave en adultes, en maris domestiqués, en contribuables obéissants, en débiteurs sans humours, en même temps qu'il émousse nos plus délicieux travers."




dimanche 23 avril 2017

"Calendar Girl : Janvier" de Audrey Carlan


En Bref :

Mia vit seule avec son père et sa petite sœur à Las Vegas. Elle veut devenir comédienne. Depuis le départ de sa mère, son père boit et joue. Il emprunte 1 million de $ qu'il perd et ne peut rembourser. Le prêteur sur gages l'expédie dans le coma. Mia doit assumer la dette de son père sans quoi sa petite sœur et elle-même subiront le même sort.

Elle deviendra donc, malgré elle, une "Escort Gril".  Un contrat mensuel qui pourrait lui rapporter jusque 100 000 $. Sous certaines conditions...



Mon avis :

La collection "Harlequin" existe encore.  Mais aujourd'hui, nous avons également à disposition pléthore de romans érotiques.  Symbole d'une littérature féminine libérée depuis le phénomène "50 nuances" ou simplement vente désormais décomplexée de ce qui existait déjà bien avant, peu importe.  La formule reste identique.

Prenez donc une nana désespérément prude et livrez-la - de façon volontaire mais forcément de mauvais gré , évidemment- à un (ou des..) bellâtre, millionnaire de préférence.  Peu importe le prétexte, arrivera ce que chaque lectrice attendra avec impatience.  La belle se découvrira des pulsions sexuelles innassouvies et tombera même, bien souvent, éperdument amoureuse de cet Appolon, riche et bête de sexe... Amour torride mais impossible.  Le tout est donc de savoir comment tout cela sera mit en scène.

Rien de neuf sous le soleil, pas moins bon ni meilleur que tous les autres.  Un style ultra basique, une histoire peu originale issue d'un cliché du fantasme... On le lit en 1h ou 2.   La nouveauté résidant ici dans le fait qu'on nous propose un livre pour chaque mois.  Une nouvelle ville, un nouvel homme, une nouvelle aventure pour Mia.

Pas sure de tenir sur la durée.  Mais allez-y si vous aimez ce genre de littérature.  Il n'y a pas à dire, pour celle qui cherche un bouquin vite lu, pas trop compliqué pour faire un break dans son quotidien en mal d'imagination....  Ça fonctionne.  Il est - ou du moins a été- quand même en tête des ventes... Ce serait mentir que de dire qu'aucune de nous n'en n'a jamais lu 😉.  Je vais peut-être bien lire Février, quand même... (Juste pour vous dire s'il est mieux, évidemment... 😜).


Extraits (pas classés X)

"Il me tourne le dos pour fouiller dans sa jeep et en sort un t-shirt blanc. Il l'enfile, recouvrant son corps splendide, et je suis à deux doigts de le remercier, car la Barbie en moi disparaît pour laisser mon cerveau reprendre sa place."
 ***
  Wes est assis dans son lit et ne dit rien. Les flammes de la cheminée dansent sur son torse nu, vacillant sur les collines et les vallées de son abdomen musclé. Ses pecs divins me font saliver. Bon sang, ce type est une œuvre d'art.
***
 " – ...Ces hommes peuvent te promettre la lune, ça ne veut pas dire qu’ils la décrocheront pour toi. Crois-moi, j’ai déjà entendu ça. Trop de fois, d’ailleurs.
– Alors, il n’y a rien qui l’interdit ?
– Non, mais… protège ton cœur, ma poupée. Ce métier n’est pas pour tout le monde et tu as déjà beaucoup souffert pour quelqu’un de si jeune. Prends le temps de t’amuser, de te détendre, et goûte à tout ce que la vie peut t’offrir."




mardi 18 avril 2017

"Quand souffle le vent du nord" de Daniel Glattauer


En Bref :



En voulant résilier un abonnement, Emma Rothner se trompe d’adresse et envoie un mail à un inconnu, un certain Leo Leike. Ce dernier, poliment, lui signale son erreur; Emma s’excuse, et, peu à peu, un dialogue s’engage entre eux, par mail uniquement.

Au fil du temps, leur relation se tisse, s’étoffe, et ces deux inconnus vont se mettre à éprouver l’un pour l’autre une certaine fascination. Alors même qu’ils décident de ne rien révéler de leurs vies respectives, ils cherchent à deviner les secrets de l’autre…

De plus en plus attirés et dépendants, Emmi et Leo repoussent néanmoins le moment fatidique de la rencontre.  Emmi est mariée, et Leo se remet à grand peine d’un chagrin d’amour...

Mon avis:

Encore une jolie surprise !  J'ai commencé ce roman sans rien en connaître et me suis retrouvée plongée dans cette relation épistolaire comme si j’attendais, moi aussi, impatiemment, le prochain mail.

Ça commence de façon tellement légère, douce et amusante que dès les premières correspondances, on est accro.  Ça gonfle, ça prend de l’ampleur, ça s'envole.  Quoi ?  Quel nom donner à cela ? Le rêve, l'imaginaire, l'amour, la séduction ? Moi qui me posait souvent la question des personnes qui se retrouvaient éprises virtuellement l'une de l'autre...  Où est la frontière ? Où est l'idéal ? Quel choix à faire dans cette situation ?  Et surtout, quels choix feront-ils, eux ?


Ce livre, vous le lirez quelques heures à peine.  Attention, que les choses soient claires,on n'est pas dans un roman de grande facture mais simplement, il fait son job. C'est léger, rapide, simple, savoureux et plein d'humour.   Un parfait compagnon de vacances.


Extraits :

"Écrire, c'est comme embrasser, mais sans les lèvres. Écrire, c'est embrasser avec l'esprit."
 ***
"Le jour suivant
Objet : Me froisser
"Cher Léo, j’abandonne le « Leike ». Vous pouvez donc oublier le « Rothner ». J’ai trouvé vos mails d’hier tout à fait savoureux, je les ai lus plusieurs fois. J’aimerais vous faire un compliment. Je trouve fascinant que vous soyez capable d’engager la conversation avec une personne que vous ne connaissez pas du tout, que vous n’avez encore jamais vue et que vous ne verrez probablement jamais, de qui vous n’avez rien à attendre, et cela sans savoir si elle vous répondra de la même manière. C’est une attitude atypique chez les hommes, que j’apprécie chez vous. Je voulais commencer par vous dire cela. Bien, et maintenant je voudrais aborder quelques points :
1. Vous avez une psychose avancée des mails de vœux groupés. Où l’avez-vous attrapée? Il semble que l’on vous vexe à mort quand on vous souhaite un « joyeux Noël et une bonne année ». Bien, je vous promets que je ne le ferai plus, plus jamais ! Du reste, je trouve extraordinaire que vous pensiez être capable de déduire l’âge de quelqu’un d’un « joyeux Noël et bonne année ». Aurais-je eu dix ans de moins si j’avais dit « joyeux Noël et heureuse année » ?
2. Désolée, cher Léo le psychologue du langage, mais croire qu’une femme ne peut pas avoir moins de 20 ans si elle n’utilise pas « cool », « chanmé » et « grave » me semble une attitude un peu naïve et pontifiante. Non pas que j’essaie, quand j’écris ceci, de vous faire croire que j’ai moins de 20 ans. Mais sait-on jamais ?
3. J’écris comme si j’avais 30 ans, dites-vous. Mais une trentenaire ne lit pas Like, dites-vous encore. Je vous explique cela volontiers : j’avais pris l’abonnement à Like pour ma mère. Alors, qu’en dites-vous ? Est-ce que, tout compte fait, je suis plus jeune que mes mails ne le laissent penser ?
4. Après cette question fondamentale, je m’en vais. J’ai malheureusement un rendez-vous. (Préparation à la confirmation ? Cours de danse ? Manucure ? Thé avec des amies ? Je vous laisse choisir.) Bonne fin de journée Léo ! Emmi."

Trois minutes plus tard
RE :
"Ah oui, Léo, je vais vous divulguer un secret : pour la pointure, vous n’étiez pas très loin. Je fais du 37. (Mais pas besoin de m’offrir des chaussures, j’ai déjà tout ce qu’il faut.)"

Trois jours plus tard
Objet : Un manque
"Cher Léo, quand vous ne m’écrivez pas pendant trois jours, j’ai deux réactions : 1. Je suis étonnée. 2. Je ressens un manque. Ce n’est pas très agréable. Faites quelque chose ! Emmi."




"Anatomie d'un soldat" de Harry Parker (2016)


En bref :

Ceci n'est pas vraiment un roman. Ceci n'est pas un livre médical. Ce n'est pas non plus une simple histoire de guerre, non.  Ce livre raconte l'histoire étonnante de 45 objets emblématiques ayants appartenu à Tom Barnes, un soldat blessé au combat, dans une région que l'on pourrait situer en Afghanistan.

Le jeune capitaine britannique Tom Barnes est envoyé en mission dans une zone de conflit. Au retour d’une patrouille nocturne, il marche sur un engin explosif improvisé et est immédiatement rapatrié en Angleterre. Débute alors un autre combat tant psychologique que physique durant lequel le héros va parvenir à surmonter « ce à quoi l’on ne pouvait survivre » grâce à l’aide non seulement des médecins, mais aussi de sa famille ainsi que de l’être aimé.

Chaque objet livre son histoire tout en s’inscrivant dans le contexte du drame. Avant, pendant et après, tout compte. On nous livre la vérité crue sur la guerre. Une vérité sans ambages. On ne cache rien ici,  de l’état mental et physique du soldat.  Vous êtes-vous déjà demandé de quoi par exemple, un casque, un verre de bière ou une bicyclette pouvaient bien être témoin ?  Et s'ils pouvaient enfin tout nous raconter ?



Mon avis :

Complètement différent de tous les autres livres déjà lus, cette histoire inédite est ... Bouleversante.
Faire parler ces objets, un coup de génie.  L'auteur nous invite ici à compléter le puzzle de la vie d'un soldat au travers une série d'objets, militaires ou non, ayant eu de près ou de loin un lien avec lui-même.  Objets créés pour aider, pour nuire, pour sauver.  Objets manipulés par des hommes eux-mêmes manipulés... Des objets qui entendent tout, qui voient tout.

Mais attention, pas question ici de prêter des caractères humains à de simples accessoires.
C'est pourquoi parfois, les passages sont durs, crus, aussi secs que le bruit de la claque qu'on reçoit en lisant certains témoignages.  Par une relation de faits simple et objective, l'auteur donne corps aux souffrances, aux émotions, aux deuils et aux espoirs.  On se retrouve envahis de sentiments, on est complètement submergé, parfois même opprimé par certaines scènes extrêmement violentes alors qu'à d'autres moments, on se surprend à sourire de façon bienveillante.

Via ces objets, on s'approprie l'histoire comme si elle était notre.  On accompagne ce soldat, de son engagement à son accident.  On accompagne l'ennemi dans ses expéditions.  On accompagne les proches, restés au pays.   Puis, surtout, on traverse avec lui la dure épreuve de la ravalidation.  On y croit, on a mal, on espère.

Quel tour de force.

L'auteur connaît son sujet puisqu'ancien militaire lui-même, il a vécu le traumatisme raconté dans le livre.  Il a perdu ses 2 jambes en sautant sur une mine en Afghanistan en 2009.


Extraits :

"Mon numéro de série est le 6545-01-522.  j'ai été déballé d'un étui en plastique, puis ouvert, contrôlé et réassemblé.  Un marqueur noir à écrit sur moi : BA5799 O POS et j'ai été mis dans la poche de la cuisse gauche du pantalon de treillis de BA5799.  C'est là que je restais, cette poche était rarement ouverte.
 J'ai passé huit semaines, deux jours et quatre heures dans cette poche.  On n'avait pas encore besoin de moi.  Je glissais contre la cuisse de BA5799, de-ci de-là, en général lentement mais parfois vite, en bondissant dans tous les sens.  Et il y avait du bruit: des détonations et des crissements, des gémissements aigus, des cris d’excitation et de colère. 
Un jour, j'ai été immergé dans de l'eau stagnante pendant une heure.

Je me suis déplacé dans des véhicules à chenille, à roues, à ailes et à rotors. J'ai été trempé dans de l'eau savonneuse puis mis à sécher sur une corde  à linge et je n'ai rien fait pendant toute une journée.

le 15 aout à 06h18, alors que je glissais le long de la cuisse de BA5799, j'ai été soulevé dans le ciel et retourné sur moi-même.  Et soudain, j'étais à la lumière.  Il y avait du désordre, de la poussière et des cris.  J'étais par terre à coté de lui.  Il était à plat ventre.  J'étais à coté de lui tandis que de la boue et des pierres tombaient autour de nous..."