dimanche 23 avril 2017

"Calendar Girl : Janvier" de Audrey Carlan


En Bref :

Mia vit seule avec son père et sa petite sœur à Las Vegas. Elle veut devenir comédienne. Depuis le départ de sa mère, son père boit et joue. Il emprunte 1 million de $ qu'il perd et ne peut rembourser. Le prêteur sur gages l'expédie dans le coma. Mia doit assumer la dette de son père sans quoi sa petite sœur et elle-même subiront le même sort.

Elle deviendra donc, malgré elle, une "Escort Gril".  Un contrat mensuel qui pourrait lui rapporter jusque 100 000 $. Sous certaines conditions...



Mon avis :

La collection "Harlequin" existe encore.  Mais aujourd'hui, nous avons également à disposition pléthore de romans érotiques.  Symbole d'une littérature féminine libérée depuis le phénomène "50 nuances" ou simplement vente désormais décomplexée de ce qui existait déjà bien avant, peu importe.  La formule reste identique.

Prenez donc une nana désespérément prude et livrez-la - de façon volontaire mais forcément de mauvais gré , évidemment- à un (ou des..) bellâtre, millionnaire de préférence.  Peu importe le prétexte, arrivera ce que chaque lectrice attendra avec impatience.  La belle se découvrira des pulsions sexuelles innassouvies et tombera même, bien souvent, éperdument amoureuse de cet Appolon, riche et bête de sexe... Amour torride mais impossible.  Le tout est donc de savoir comment tout cela sera mit en scène.

Rien de neuf sous le soleil, pas moins bon ni meilleur que tous les autres.  Un style ultra basique, une histoire peu originale issue d'un cliché du fantasme... On le lit en 1h ou 2.   La nouveauté résidant ici dans le fait qu'on nous propose un livre pour chaque mois.  Une nouvelle ville, un nouvel homme, une nouvelle aventure pour Mia.

Pas sure de tenir sur la durée.  Mais allez-y si vous aimez ce genre de littérature.  Il n'y a pas à dire, pour celle qui cherche un bouquin vite lu, pas trop compliqué pour faire un break dans son quotidien en mal d'imagination....  Ça fonctionne.  Il est - ou du moins a été- quand même en tête des ventes... Ce serait mentir que de dire qu'aucune de nous n'en n'a jamais lu 😉.  Je vais peut-être bien lire Février, quand même... (Juste pour vous dire s'il est mieux, évidemment... 😜).


Extraits (pas classés X)

"Il me tourne le dos pour fouiller dans sa jeep et en sort un t-shirt blanc. Il l'enfile, recouvrant son corps splendide, et je suis à deux doigts de le remercier, car la Barbie en moi disparaît pour laisser mon cerveau reprendre sa place."
 ***
  Wes est assis dans son lit et ne dit rien. Les flammes de la cheminée dansent sur son torse nu, vacillant sur les collines et les vallées de son abdomen musclé. Ses pecs divins me font saliver. Bon sang, ce type est une œuvre d'art.
***
 " – ...Ces hommes peuvent te promettre la lune, ça ne veut pas dire qu’ils la décrocheront pour toi. Crois-moi, j’ai déjà entendu ça. Trop de fois, d’ailleurs.
– Alors, il n’y a rien qui l’interdit ?
– Non, mais… protège ton cœur, ma poupée. Ce métier n’est pas pour tout le monde et tu as déjà beaucoup souffert pour quelqu’un de si jeune. Prends le temps de t’amuser, de te détendre, et goûte à tout ce que la vie peut t’offrir."




mardi 18 avril 2017

"Quand souffle le vent du nord" de Daniel Glattauer


En Bref :



En voulant résilier un abonnement, Emma Rothner se trompe d’adresse et envoie un mail à un inconnu, un certain Leo Leike. Ce dernier, poliment, lui signale son erreur; Emma s’excuse, et, peu à peu, un dialogue s’engage entre eux, par mail uniquement.

Au fil du temps, leur relation se tisse, s’étoffe, et ces deux inconnus vont se mettre à éprouver l’un pour l’autre une certaine fascination. Alors même qu’ils décident de ne rien révéler de leurs vies respectives, ils cherchent à deviner les secrets de l’autre…

De plus en plus attirés et dépendants, Emmi et Leo repoussent néanmoins le moment fatidique de la rencontre.  Emmi est mariée, et Leo se remet à grand peine d’un chagrin d’amour...

Mon avis:

Encore une jolie surprise !  J'ai commencé ce roman sans rien en connaître et me suis retrouvée plongée dans cette relation épistolaire comme si j’attendais, moi aussi, impatiemment, le prochain mail.

Ça commence de façon tellement légère, douce et amusante que dès les premières correspondances, on est accro.  Ça gonfle, ça prend de l’ampleur, ça s'envole.  Quoi ?  Quel nom donner à cela ? Le rêve, l'imaginaire, l'amour, la séduction ? Moi qui me posait souvent la question des personnes qui se retrouvaient éprises virtuellement l'une de l'autre...  Où est la frontière ? Où est l'idéal ? Quel choix à faire dans cette situation ?  Et surtout, quels choix feront-ils, eux ?


Ce livre, vous le lirez quelques heures à peine.  Attention, que les choses soient claires,on n'est pas dans un roman de grande facture mais simplement, il fait son job. C'est léger, rapide, simple, savoureux et plein d'humour.   Un parfait compagnon de vacances.


Extraits :

"Écrire, c'est comme embrasser, mais sans les lèvres. Écrire, c'est embrasser avec l'esprit."
 ***
"Le jour suivant
Objet : Me froisser
"Cher Léo, j’abandonne le « Leike ». Vous pouvez donc oublier le « Rothner ». J’ai trouvé vos mails d’hier tout à fait savoureux, je les ai lus plusieurs fois. J’aimerais vous faire un compliment. Je trouve fascinant que vous soyez capable d’engager la conversation avec une personne que vous ne connaissez pas du tout, que vous n’avez encore jamais vue et que vous ne verrez probablement jamais, de qui vous n’avez rien à attendre, et cela sans savoir si elle vous répondra de la même manière. C’est une attitude atypique chez les hommes, que j’apprécie chez vous. Je voulais commencer par vous dire cela. Bien, et maintenant je voudrais aborder quelques points :
1. Vous avez une psychose avancée des mails de vœux groupés. Où l’avez-vous attrapée? Il semble que l’on vous vexe à mort quand on vous souhaite un « joyeux Noël et une bonne année ». Bien, je vous promets que je ne le ferai plus, plus jamais ! Du reste, je trouve extraordinaire que vous pensiez être capable de déduire l’âge de quelqu’un d’un « joyeux Noël et bonne année ». Aurais-je eu dix ans de moins si j’avais dit « joyeux Noël et heureuse année » ?
2. Désolée, cher Léo le psychologue du langage, mais croire qu’une femme ne peut pas avoir moins de 20 ans si elle n’utilise pas « cool », « chanmé » et « grave » me semble une attitude un peu naïve et pontifiante. Non pas que j’essaie, quand j’écris ceci, de vous faire croire que j’ai moins de 20 ans. Mais sait-on jamais ?
3. J’écris comme si j’avais 30 ans, dites-vous. Mais une trentenaire ne lit pas Like, dites-vous encore. Je vous explique cela volontiers : j’avais pris l’abonnement à Like pour ma mère. Alors, qu’en dites-vous ? Est-ce que, tout compte fait, je suis plus jeune que mes mails ne le laissent penser ?
4. Après cette question fondamentale, je m’en vais. J’ai malheureusement un rendez-vous. (Préparation à la confirmation ? Cours de danse ? Manucure ? Thé avec des amies ? Je vous laisse choisir.) Bonne fin de journée Léo ! Emmi."

Trois minutes plus tard
RE :
"Ah oui, Léo, je vais vous divulguer un secret : pour la pointure, vous n’étiez pas très loin. Je fais du 37. (Mais pas besoin de m’offrir des chaussures, j’ai déjà tout ce qu’il faut.)"

Trois jours plus tard
Objet : Un manque
"Cher Léo, quand vous ne m’écrivez pas pendant trois jours, j’ai deux réactions : 1. Je suis étonnée. 2. Je ressens un manque. Ce n’est pas très agréable. Faites quelque chose ! Emmi."




"Anatomie d'un soldat" de Harry Parker (2016)


En bref :

Ceci n'est pas vraiment un roman. Ceci n'est pas un livre médical. Ce n'est pas non plus une simple histoire de guerre, non.  Ce livre raconte l'histoire étonnante de 45 objets emblématiques ayants appartenu à Tom Barnes, un soldat blessé au combat, dans une région que l'on pourrait situer en Afghanistan.

Le jeune capitaine britannique Tom Barnes est envoyé en mission dans une zone de conflit. Au retour d’une patrouille nocturne, il marche sur un engin explosif improvisé et est immédiatement rapatrié en Angleterre. Débute alors un autre combat tant psychologique que physique durant lequel le héros va parvenir à surmonter « ce à quoi l’on ne pouvait survivre » grâce à l’aide non seulement des médecins, mais aussi de sa famille ainsi que de l’être aimé.

Chaque objet livre son histoire tout en s’inscrivant dans le contexte du drame. Avant, pendant et après, tout compte. On nous livre la vérité crue sur la guerre. Une vérité sans ambages. On ne cache rien ici,  de l’état mental et physique du soldat.  Vous êtes-vous déjà demandé de quoi par exemple, un casque, un verre de bière ou une bicyclette pouvaient bien être témoin ?  Et s'ils pouvaient enfin tout nous raconter ?



Mon avis :

Complètement différent de tous les autres livres déjà lus, cette histoire inédite est ... Bouleversante.
Faire parler ces objets, un coup de génie.  L'auteur nous invite ici à compléter le puzzle de la vie d'un soldat au travers une série d'objets, militaires ou non, ayant eu de près ou de loin un lien avec lui-même.  Objets créés pour aider, pour nuire, pour sauver.  Objets manipulés par des hommes eux-mêmes manipulés... Des objets qui entendent tout, qui voient tout.

Mais attention, pas question ici de prêter des caractères humains à de simples accessoires.
C'est pourquoi parfois, les passages sont durs, crus, aussi secs que le bruit de la claque qu'on reçoit en lisant certains témoignages.  Par une relation de faits simple et objective, l'auteur donne corps aux souffrances, aux émotions, aux deuils et aux espoirs.  On se retrouve envahis de sentiments, on est complètement submergé, parfois même opprimé par certaines scènes extrêmement violentes alors qu'à d'autres moments, on se surprend à sourire de façon bienveillante.

Via ces objets, on s'approprie l'histoire comme si elle était notre.  On accompagne ce soldat, de son engagement à son accident.  On accompagne l'ennemi dans ses expéditions.  On accompagne les proches, restés au pays.   Puis, surtout, on traverse avec lui la dure épreuve de la ravalidation.  On y croit, on a mal, on espère.

Quel tour de force.

L'auteur connaît son sujet puisqu'ancien militaire lui-même, il a vécu le traumatisme raconté dans le livre.  Il a perdu ses 2 jambes en sautant sur une mine en Afghanistan en 2009.


Extraits :

"Mon numéro de série est le 6545-01-522.  j'ai été déballé d'un étui en plastique, puis ouvert, contrôlé et réassemblé.  Un marqueur noir à écrit sur moi : BA5799 O POS et j'ai été mis dans la poche de la cuisse gauche du pantalon de treillis de BA5799.  C'est là que je restais, cette poche était rarement ouverte.
 J'ai passé huit semaines, deux jours et quatre heures dans cette poche.  On n'avait pas encore besoin de moi.  Je glissais contre la cuisse de BA5799, de-ci de-là, en général lentement mais parfois vite, en bondissant dans tous les sens.  Et il y avait du bruit: des détonations et des crissements, des gémissements aigus, des cris d’excitation et de colère. 
Un jour, j'ai été immergé dans de l'eau stagnante pendant une heure.

Je me suis déplacé dans des véhicules à chenille, à roues, à ailes et à rotors. J'ai été trempé dans de l'eau savonneuse puis mis à sécher sur une corde  à linge et je n'ai rien fait pendant toute une journée.

le 15 aout à 06h18, alors que je glissais le long de la cuisse de BA5799, j'ai été soulevé dans le ciel et retourné sur moi-même.  Et soudain, j'étais à la lumière.  Il y avait du désordre, de la poussière et des cris.  J'étais par terre à coté de lui.  Il était à plat ventre.  J'étais à coté de lui tandis que de la boue et des pierres tombaient autour de nous..."





samedi 8 avril 2017

"Le restaurant de l'amour retrouvé" de Ito Ogawa

En bref :

Une jeune femme de vingt-cinq ans perd la voix à la suite d’un chagrin d’amour, revient malgré elle chez sa mère, figure fantasque vivant avec un cochon apprivoisé, et découvre ses dons insoupçonnés dans l’art de rendre les gens heureux en cuisinant pour eux des plats médités et préparés comme une prière. Rinco cueille des grenades juchée sur un arbre, visite un champ de navets enfouis sous la neige, et invente pour ses convives des plats uniques qui se préparent et se dégustent dans la lenteur en réveillant leurs émotions enfouies...

Mon avis :

Continuons notre tour du monde littéraire avec un petit voyage au Japon.  Ce livre, depuis longtemps, m'attendait au fond de ma bibliothèque virtuelle, le titre franchement mielleux et la couverture tellement convenue ne m'encourageant pas vraiment à le lire.  Puis dernièrement, cherchant l’inspiration et m'étant souvenue l'avoir déniché dans une liste de livres "Feel Good", je m'y suis mise.

Ce fût une très jolie surprise. Bien que le titre soit trompeur (Ce n'est pas une histoire d'amour) et les allusions au monde occidental tellement nombreuses que parfois, il nous faut vraiment fournir un (trop) important effort d'imagination pour nous projeter dans la campagne japonnaise, l'histoire nous emporte avec subtilité vers l'image d'un présent à savourer avec lenteur.

Car au final l’héroïne nous réapprend ici à apprécier chaque petite chose qui fait notre quotidien, à accepter les épreuves avec calme et sérénité.  Au rythme de sa cuisine, les clients savourent chaque plat qu'elle prépare avec la lenteur d'un escargot.  Au fond, vivre les choses comme elles sont est peut-être la solution à nos problèmes.

C'est un retour aux sources.  L'énergie que Rinco met dans la recherche de chaque ingrédient, aussi minime soit-il, dans la confection de n'importe quel plat, aussi banal puisse-t-il être, confère à chacune de ses réalisations une saveur oubliée.

Tout comme Anna Gavalda l'avait si bien fait dans "Ensemble, c'est tout."


Bande annonce :

'Le restaurant de l'amour retrouvé' a rencontré un grand succès au Japon et a été adapté en 2010 au cinéma par Mai Taminaga sous le titre : 食堂かたつむり (Shokudo Katatsumuri).

https://eigapedia.com/v2/video/8796.html


lundi 3 avril 2017

"L'amie prodigieuse T1 - Enfance, adolescence" de Elena Ferrante (2014)


En bref :

Naples, fin des années cinquante. Deux amies, Elena et Lila, vivent dans un quartier défavorisé de la ville, dans la banlieue, leurs familles sont pauvres et, bien qu'elles soient douées pour les études, ce n'est pas la voie qui leur est promise.

Lila, la surdouée, abandonne rapidement l'école pour travailler avec son père et son frère dans leur échoppe de cordonnier. En revanche, Elena est soutenue par son institutrice, qui pousse ses parents à l'envoyer au collège puis, plus tard, au lycée, comme les enfants des Carracci et des Sarratore, des familles plus aisées qui peuvent se le permettre. 

Durant cette période, les deux jeunes filles se transforment physiquement et psychologiquement, s'entraident ou s'en prennent l'une à l'autre. Leurs chemins parfois se croisent et d'autres fois s'écartent, avec pour toile de fond une Naples sombre mais en ébullition, violente et dure. Des chemins qui les conduiront, après le passage par l'adolescence, à l'aube de l'âge adulte, non sans ruptures ni souffrances.

Mon avis :

C'est avec curiosité et plaisir que le roman nous plonge, dès les premières pages, au cœur de l'Italie profonde.  De cette Italie à l'empreinte vieillotte, conservatrice, pauvre.  De ces mentalités d'un âge oublié.  En lisant le livre, je n'ai pu m’empêcher de penser à ma vieille voisine italienne, dans mon petit village natal.  Avec ses kilos en trop, son survêtement de nettoyage, ses cheveux gris clairsemés et sa peau usée par le soleil, elle posait sa chaise sur son trottoir et restait des heures à regarder passer passants et voitures.  Et d'un coup je réalisais que derrière tous ces gestes et habitudes d'un autre âge, d'une autre culture, se cachait une enfance et une adolescence certainement semblables à celles décrites par l'auteure. 

Portrait saisissant d'un quartier populaire napolitain en plein boum économique, baigné par la misère, les camorristes, les tempéraments de feu et les traditions, le tout transporté par l'amitié sans faille qui lie" Lenù et Lila".

Comme vous le constatez, rien ne me plaît plus, quand je lis un livre, de me sentir ailleurs.

Et ce roman fait partie des livres qui "dès qu'on les pose quelque part, vous manquent déjà."


Extraits :

 "A la quatrième volée de marches, Lila eut un comportement inattendu. Elle s'arrêta pour m'attendre et, quand je la rejoignis, me donna la main. Ce geste changea tout entre nous, et pour toujours."

***

"Ce que c'était, la plèbe, je le sus à ce moment-là, beaucoup plus clairement que quand Mme Oliviero me l'avait demandé des années auparavant. La plèbe , c'était nous. La plèbe, c'étaient ces disputes pour la nourriture et le vin, cet énervement contre ceux qui étaient mieux servis et en premier, ce sol crasseux sur lequel les serveurs passaient et repassaient et ces toasts de plus en plus vulgaires.La plèbe, c'était ma mère, elle avait bu et maintenant se laissait aller contre l'épaule de mon père qui restait sérieux, et elle riait, bouche grande ouverte aux allusions sexuelles du commerçant en ferraille. Tout le monde riait et Lila aussi, elle semblait avoir un rôle à jouer et vouloir le jouer jusqu'au bout."
 ***

"J'éprouvai une double humiliation : j'eus honte de ne pas avoir réussi à être aussi forte qu'en primaire, et j'eus honte de la différence qu'il y avait entre la silhouette harmonieuse et bien habillée de l'enseignante, et son italien qui ressemblait un peu à celui de l'Illiade, et la silhouette toute tordue de ma mère, avec ses vieilles chaussures, ses cheveux ternes et son italien bourré de fautes dues au dialecte."