vendredi 17 février 2017

"Dien n'habite pas la Havane" de Khadra Yasmina (2016)


En Bref :

À l’heure où le régime castriste s’essouffle, « Don Fuego » chante toujours dans les cabarets de La Havane. Jadis, sa voix magnifique électrisait les foules. Aujourd’hui, les temps ont changé et le roi de la rumba doit céder la place. Livré à lui-même, il rencontre Mayensi, une jeune fille « rousse et belle comme une flamme », dont il tombe éperdument amoureux. Mais le mystère qui entoure cette beauté fascinante menace leur improbable idylle.



Mon avis :

J'ai aimé la musique, la rumba, les soirées enflammées et toutes les couleurs qui teintent cette histoire.

J'ai aimé l'ambiance de l'époque: l'histoire se situe entre la fin de l'embargo économique à Cuba - qui depuis 1962 poussait les Cubains à développer leurs propres mécanismes de survie, entre débrouille, bricolage et petits arrangements avec l'administration - et le rétablissement des relations avec les USA en 2015, quand le pays bascule vers le libéralisme.  

J'ai aimé partager avec ce drôle de héros égocentrique le sentiment de dépendance, d'impuissance face au changement subit par la plupart des cubains, l'envie de garder l'authenticité d'une culture, d'une histoire, d'un petit paradis hors du temps.  Une belle nostalgie que l'on touche ici du bout des doigts.  J'aurais tellement aimé voir Don Fuego danser.  Je suis moi aussi devenue nostalgique de "ce Cuba là". 

J'ai aimé avoir l'impression de connaître Cuba.

Je n'ai pas aimé l'histoire rocambolesque qui sert de base à cette toile pourtant parfaite dans le fond.  Il était pour moi inutile d'en faire un pseudo-polar, l'ambiance et l'histoire d'amour suffisants à eux-même pour en faire un petit bijoux.  Dommage.


Extraits :

"....Lorsque je lève les yeux au ciel, déclare le poète, et que je vois tous ces astres, je me dis qu'il y a certainement un chef d'orchestre derrière. Mais nulle part je ne le vois. C'est ennuyeux. Alors, je me suis autoproclamé Dieu tout-puissant. J'ai fait des étoiles mes lumières, des vents ma musique et des océans mes sources d'inspiration. C'est ainsi que je suis devenu poète. Mon cœur est amoureux de toutes les femmes, mon esprit veille à trouver de la beauté en toute chose. Les fleurs s'épanouissent pour moi et se fanent dès que je regarde ailleurs."

***

" À la Havane, Dieu n'a plus la cote. Dans cette ville qui a troqué son lustre d'autrefois contre une humilité militante faite de privations et d'abjurations, la contrainte idéologique à eu raison de la foi.Apres avoir épuisé l'ensemble des recours adressés au père de Jésus, et ce dernier s' étant inscrit aux abonnés absents les quêteurs de miracles se sont déportés sur l'esprit de leurs ancêtres. Ils trouvent moins hasardeux de confier leurs voeux aux prêtres et aux charlatans que de solliciter les prophètes plus occupés à entretenir leurs jardins d' Éden qu à prêter attention aux damnés d'ici - bas."

***

" Mon cœur bat à me défoncer la cage thoracique. Il bat ainsi depuis trente-cinq ans chaque fois que je me prépare à monter sur scène. C’est un moment d’une exquise intensité. J’ai le sentiment d’être sur le point de provoquer des miracles, de pouvoir bientôt transformer les toxines en étincelles, les frissons en orgasmes. Et puis, quelle fierté de voir, grâce à moi, un vétéran se découvrir la force de remuer ses vieux os au rythme des tumbadoras, les couples valser en s’enlaçant comme aux premiers jours de leur idylle et les saintes-nitouches aux poitrines tombantes troquer volontiers leur réserve excessive contre un pas de danse."

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