lundi 3 avril 2017

"L'amie prodigieuse T1 - Enfance, adolescence" de Elena Ferrante (2014)


En bref :

Naples, fin des années cinquante. Deux amies, Elena et Lila, vivent dans un quartier défavorisé de la ville, dans la banlieue, leurs familles sont pauvres et, bien qu'elles soient douées pour les études, ce n'est pas la voie qui leur est promise.

Lila, la surdouée, abandonne rapidement l'école pour travailler avec son père et son frère dans leur échoppe de cordonnier. En revanche, Elena est soutenue par son institutrice, qui pousse ses parents à l'envoyer au collège puis, plus tard, au lycée, comme les enfants des Carracci et des Sarratore, des familles plus aisées qui peuvent se le permettre. 

Durant cette période, les deux jeunes filles se transforment physiquement et psychologiquement, s'entraident ou s'en prennent l'une à l'autre. Leurs chemins parfois se croisent et d'autres fois s'écartent, avec pour toile de fond une Naples sombre mais en ébullition, violente et dure. Des chemins qui les conduiront, après le passage par l'adolescence, à l'aube de l'âge adulte, non sans ruptures ni souffrances.

Mon avis :

C'est avec curiosité et plaisir que le roman nous plonge, dès les premières pages, au cœur de l'Italie profonde.  De cette Italie à l'empreinte vieillotte, conservatrice, pauvre.  De ces mentalités d'un âge oublié.  En lisant le livre, je n'ai pu m’empêcher de penser à ma vieille voisine italienne, dans mon petit village natal.  Avec ses kilos en trop, son survêtement de nettoyage, ses cheveux gris clairsemés et sa peau usée par le soleil, elle posait sa chaise sur son trottoir et restait des heures à regarder passer passants et voitures.  Et d'un coup je réalisais que derrière tous ces gestes et habitudes d'un autre âge, d'une autre culture, se cachait une enfance et une adolescence certainement semblables à celles décrites par l'auteure. 

Portrait saisissant d'un quartier populaire napolitain en plein boum économique, baigné par la misère, les camorristes, les tempéraments de feu et les traditions, le tout transporté par l'amitié sans faille qui lie" Lenù et Lila".

Comme vous le constatez, rien ne me plaît plus, quand je lis un livre, de me sentir ailleurs.

Et ce roman fait partie des livres qui "dès qu'on les pose quelque part, vous manquent déjà."


Extraits :

 "A la quatrième volée de marches, Lila eut un comportement inattendu. Elle s'arrêta pour m'attendre et, quand je la rejoignis, me donna la main. Ce geste changea tout entre nous, et pour toujours."

***

"Ce que c'était, la plèbe, je le sus à ce moment-là, beaucoup plus clairement que quand Mme Oliviero me l'avait demandé des années auparavant. La plèbe , c'était nous. La plèbe, c'étaient ces disputes pour la nourriture et le vin, cet énervement contre ceux qui étaient mieux servis et en premier, ce sol crasseux sur lequel les serveurs passaient et repassaient et ces toasts de plus en plus vulgaires.La plèbe, c'était ma mère, elle avait bu et maintenant se laissait aller contre l'épaule de mon père qui restait sérieux, et elle riait, bouche grande ouverte aux allusions sexuelles du commerçant en ferraille. Tout le monde riait et Lila aussi, elle semblait avoir un rôle à jouer et vouloir le jouer jusqu'au bout."
 ***

"J'éprouvai une double humiliation : j'eus honte de ne pas avoir réussi à être aussi forte qu'en primaire, et j'eus honte de la différence qu'il y avait entre la silhouette harmonieuse et bien habillée de l'enseignante, et son italien qui ressemblait un peu à celui de l'Illiade, et la silhouette toute tordue de ma mère, avec ses vieilles chaussures, ses cheveux ternes et son italien bourré de fautes dues au dialecte."


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