lundi 21 août 2017

"Continuer" de Laurent Mauvignier

En Bref :

Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux.

Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu’à aujourd’hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter.

Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu’elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver, peut-être, le fil de sa propre histoire.


Mon avis :

Notre vie, notre histoire, c'est le roman que l'on choisit d'écrire à chaque jour qui passe.
Au fil des pages que l'on remplit, on peut subir, fuir, crier, pleurer, se dire que oui, la vie est moche, mais c'est ainsi.  Après des années de résignation, un divorce difficile et un adolescent qui tourne mal, Sibylle se réveille.  Sibylle nous réveille.

Subir la vie comme un fardeau, c'est un choix ou un combat auquel on n'ose parfois pas se confronter.  Mais quand elle réalise que son fils se perd, lui aussi, que celui qu'elle aime de tout son être part à la dérive, alors Sibylle décide de se battre.  Pour lui.

Mais comment s'en sortir face à un ado qui refuse le dialogue, un ado empli de haine, de colère envers tout ? Qui le comprend, lui ? Car le monde est débile, sa mère trop stupide, rien qu'à la voir, il a envie de tout casser....  Quand la force du désespoir pèse sur nous comme une enclume, quand on a l'impression que tout nous échappe, une seule option : continuer.

Cette histoire m'a bouleversé. Parce que la force de cette mère, écrasée par le poids de son existence, se réveille et soulève des montagnes pour sauver son fils.  Parce que le langage, les idées, l'expression de cet adolescent sont tellement criants de vérité, bruts, secs, vivant puissamment dans le fond de son cœur.  Parce que la détresse de cette mère est tellement palpable, tellement présente dans chaque mot, dans chaque action que l'on voudrait lui crier, Allez !, Continue !

Une histoire d'amour qui n'a nul égal entre une mère et son enfant. J'ai refermé ce roman très émue.  Parce que je suis une mère ? Une femme ? Parce que je côtoie des ados ?  Je pense simplement qu'il porte en lui la force de la simplicité, la force des mots.

Extraits:

"Sa mère se faisait des illusions si elle pensait qu'elle pourrait changer quelque chose en lui, de lui, si elle croyait qu'il lui suffirait de prendre quelques semaines de grand air, accompagné de chevaux et de montagnes, de silence et de lacs, pour que soudain tout dans sa vie se déplie et devienne simple et clair, pacifié, lumineux, pour qu'il cesse enfin de se sentir écrasé à l'intérieur de lui-même, comme si on allait arrêter un jour d'appuyer sur son cœur, sur son âme, sur sa vie, comme si l'étau pouvait un jour se desserrer."
***

"Alors à ce moment-là, il est au bord de reconnaître qu'il en est bouleversé,
il pourrait, oui,
s'il n'avait pas si peur d'avouer qu'il aime sa mère,
s'il n'était pas effrayé à l'idée de l'aimer–
lui qui sait si bien qu'aimer et accepter est plus difficile que haïr et rejeter."

***

"Il pouvait arrêter de geindre et se mettre à agir, c'est tout ce qu'elle voulait, tout ce qu'elle attendait de lui, tout ce qui avait motivé ce voyage, qu'il réagisse, qu'il reprenne contact avec la vie. Alors, il en avait l'occasion, il lui suffisait de prendre la carte, de tracer un chemin à travers le pays, de proposer des routes, de choisir des itinéraires, et c'est pourquoi elle pensait qu'elle n'avait pas à s'excuser, pourquoi elle voulait qu'il comprenne que ce qui venait de se passer, si elle en était en partie responsable, il ne l'était pas moins, lui, à cause de sa passivité, et qu'on est aussi responsable de se laisser entraîner dans une impasse que de s'y embarquer soi même."




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